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L'économie du logiciel libre
Un point de vue d'utilisateur

Par Jean-Paul Smets-Solanes

Le cycle économique des logiciels libres

Imaginons que vous ayez à déployer un logiciel dans votre entreprise. Evaluons les coûts de diverses solutions en fonction d'un modèle économique simple dont on trouvera une présentation interactive en annexe. On considère trois scénarios :

  1. acheter un logiciel commercial et payer des
    ingénieurs pour l’adapter à ses besoins ;

  2. télécharger un logiciel libre et payer des
    ingénieurs pour l’adapter à ses besoins ;

  3. payer des ingénieurs pour
    développer un nouveau logiciel (libre ou non).

Une fois le logiciel déployé, des bogues vont être probablement découvertes et des fonctionnalités manquantes deviendront nécessaires. Ces défauts, qui peuvent survenir plusieurs fois par an, coûtent chaque jour à l’entreprise en perte de temps des utilisateurs qui doivent redémarrer leur machine, modifier des paramètres, saisir à nouveau des informations, etc. L’entreprise doit donc agir rapidement afin d'en minimiser les coûts. Elle peut :

  • attendre une mise à jour du logiciel ;
  • payer des ingénieurs pour modifier le logiciel et corriger les bogues le plus rapidement possible.

Dans le cas d’un logiciel commercial, il faudra acheter une mise à jour si l’on choisit d’attendre; ou bien acquérir une licence d’accès au code source si l’on choisit de corriger les bogues soi-même. Dans le cas d’un logiciel libre, les mises à jours sont effectuées par la communauté des utilisateurs actifs, ce qui signifie aussi que le coût de modification du logiciel est partagé par l’ensemble des utilisateurs actifs.

Quelle conclusions peut-t-on tirer de la comparaison de ces approches ?

Développer peut être rentable

La première conclusion est que développer un logiciel – libre ou non – peut être rentable dès que:

  • le coût d'acquisition des licences est important (par exemple s'il faut équiper plusieurs milliers de postes);
  • le fournisseur met du temps à corriger les bogues;
  • la technologie des logiciels existants entraîne des coûts importants d'adaptation;
  • ou lorsque les logiciels commerciaux ne sont pas fiables et présentent de coûteux défauts.
Rendre ensuite ce logiciel libre permet de bénéficier de la réactivité des utilisateurs passifs qui, en signalant les bogues à l'avance, permettent de corriger celles-ci avant qu'elles n'aient de conséquences. L'émergence d'une communauté d'utilisateurs actifs permettra enfin de partager avec eux le coût des modifications et de bénéficier de la réactivité de l'ensemble des autres utilisateurs actifs.

Autrement dit:

Lorsque l'offre de logiciel (libre on non) est insuffisante ou chère, il vaut mieux s'associer pour un créer un nouveau logiciel libre.

L'indépendance a un prix

La deuxième conclusion est que si une panne coûte très cher à l'entreprise et si l'éditeur de logiciel réagit lentement, il vaut mieux acquérir le code source du logiciel et corriger soi-même les bogues. Dans ce cas, le logiciel libre dispose d'un avantage financier potentiel puisque non seulement son code source est gratuit mais que le coût des modifications peut être partagé entre plusieurs utilisateurs actifs.

Autrement dit:

Il vaut mieux aider une petite société à développer un logiciel libre plutôt que de lui acheter un logiciel commercial et de le mettre à jour régulièrement.

Les grands utilisateurs ont intérêt à corriger les défauts eux-mêmes

Lorsque le délai de réaction de la communauté des utilisateurs actifs d'un logiciel libre coûte trop en dysfonctionnements à certains utilisateurs, ces derniers ont intérêt à modifier eux-mêmes le logiciel et à publier la modification. Ainsi, le nombre d'utilisateurs actifs croît, ce qui fait automatiquement diminuer le délai moyen de réaction jusqu'à ce que l'on atteigne un état d'équilibre: chaque utilisateur corrige la bogue qui compte le plus pour lui. Notons que, selon une étude américaine, les logiciels libres ainsi maintenus sont aujourd'hui les moins bogués du marché.

Autrement dit:

Il existe un équilibre économique garantissant un nombre d'utilisateurs actifs suffisant pour satisfaire les utilisateurs les plus exigeants.

Un point de vue d'utilisateur passif

Comparons logiciels libres et commerciaux dans le cas d'un utilisateur passif, c'est-à-dire un utilisateur qui se refuse à corriger lui-même les bogues ou à modifier le logiciel.

On constate immédiatement que le logiciel libre, en supprimant le coût des licences, autorise une marge appréciable en termes d'adaptation, de réactivité et de fiabilité. Si l'on omet les paramètres réactivité et fiabilité1, ce que l'on gagne en licences non payées peut servir à payer des ingénieurs pour adapter le logiciel libre aux besoins de l'entreprise et à former les utilisateurs.

En ce sens:

Le logiciel libre, adapté sur place, est créateur de plus d'emplois locaux que le logiciel commercial importé.

Exemple 1 : serveur Web

Supposons que l'on souhaite installer un serveur Web. Des choix possibles sont par exemple le serveur Web Microsoft sous Windows NT et le serveur Apache sous RedHat Linux. Ces deux serveurs sont similaires du point de vue des fonctionnalités mais Apache est réputé plus fiable et ses bogues sont corrigées plus rapidement. À moins d'une bonne raison, il vaut donc mieux choisir Apache puisqu'il coûte moins cher au départ et moins cher chaque année.

Exemple 2 : une base de données

Comparons maintenant deux petits serveurs de base de données ; considérons par exemple le logiciel commercial FileMaker Pro (MacOS) et le logiciel libre MySQL (Linux). Adapter FileMaker Pro pour définir une application d'entreprise demande moins d'effort qu'avec MySQL. En revanche, MySQL est plus fiable (il résiste aux tests SQL les plus durs) et son éditeur, TCX, corrige les bogues plus rapidement que FileMaker, Inc.

Le choix du logiciel libre est le meilleur si le nombre de postes à équiper est important ou si l'application est stratégique. Le surcoût d'adaptation du logiciel libre par rapport au logiciel commercial sera probablement compensé par l'absence de licence et, le cas échéant, rentabilisé sur le long terme grâce à une meilleure fiabilité et une meilleur réactivité.

En revanche, si l'objectif est de monter très rapidement et en un seul exemplaire une base de données moyennement fiable, mieux vaut choisir le logiciel commercial car il reviendra moins cher à adapter.

Exemple 3 : logiciel de mise en page de documents

Comparons maintenant FrameMaker, un logiciel commercial de mise en page scientifique pour MacOS, et KLyX, un logiciel libre de publication scientifique pour Linux.

FrameMaker permet de réaliser des mises en pages complexes plus rapidement que KLyX grâce à une interface élégante qui gére les modèles de mise en page, les feuilles de styles, le placement des images, les hyperliens, la séparation quadrichromique, la conversion HTML, etc. Mais KLyX offre des avantages par rapport à FrameMaker pour l'automatisation du processus de rédaction et la gestion des formules mathématiques complexes.

FrameMaker est un produit stable. KLyX est un logiciel en développement qui fonctionne bien pour des tâches simples mais doit encore évoluer pour offrir que même degré de convivialité que FrameMaker pour les tâches complexes.

Dans une logique de court et moyen terme, le logiciel libre KLyX ne sera choisi que si le nombre de postes devant être équipé est élevé et si le coût des bogues est bas. Autrement dit, pour faire taper des documents simples à de nombreux employés peu payés, l'utilisation d'un logiciel libre de moins bonne qualité qu'un logiciel commercial peut être rentable.

Exemple 4 : développement d'un produit industriel

La firme Lectra a envisagé il y a 3 ans deux systèmes d'exploitation pour développer son système de CAO textile : Windows et Linux.

  • D'un point de vue économique, c'est Linux qu'il fallait choisir en raison de sa fiabilité.
  • D'un point de vue commercial, c'est Windows qu'il fallait choisir en raison de sa notoriété.
  • D'un point de vue stratégique, c'est Linux qu'il fallait choisir car l'accès au code source est absolument nécessaire pour pouvoir adapter, le cas échéant, le logiciel système aux contraintes très particulières d'un produit utilisé en milieu industriel où le coût des bogues est très élevé.
C'est donc Linux qui a été choisi. Ce choix pourrait être remis en question si Windows était plus fiable et si son code source était disponible.

Exemple 5 : production multimédia

Dans le domaine de la production multimédia, il n'existe pas encore de solution intégrée et stable à base de logiciels libres. Ce type de solution est coûteux à développer ou à adapter alors que de nombreux produits commerciaux concurrents existent déjà et ne coûtent que quelques centaines de dollars.

Les salaires des producteurs multimédias sont élevés –  donc le coût des bogues aussi – et les produits commerciaux sont très fiables. Comme la production multimédia intéresse essentiellement des professionnels pressés et peu habitués à développer eux-mêmes des logiciels complexes, il est hélas peu probable que se développe une communauté d'utilisateurs actifs de logiciel libre pour la production multimédia en dehors de certaines niches2.

Qui utilise les logiciels libres ?

©1998 Jean-Paul Smets-Solanes
Tous droits de reproduction, traduction
et adaptation réservés par l'auteur.

1 Ces paramètres sont presques toujours à l'avantage du logiciel libre dès que la communauté des utilisateurs est importante.

2 Linux a été utilisé pour le rendu des images du film Titanic afin d'économiser le prix des licences du système d'exploitation de type Unix OSF1.






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