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L'économie du logiciel libre
Un point de vue d'utilisateur

Par Jean-Paul Smets-Solanes

Qui utilise les logiciels libres?

Dans beaucoup de cas, les gens agissent en fonction de la façon dont ils se sentent jugés . Aussi, quelle que soit l'exactitude des calculs, il faut observer la façon dont sont prises les décisions dans les entreprises pour comprendre pourquoi les logiciels libres sont ou ne sont pas utilisés là où ils seraient rentables.

Tout d'abord, si l'effort d'évaluation objective est insuffisant et que, dans le même temps, les éditeurs commerciaux déploient une puissante force de vente, le décideur aura une vue biaisée de la situation. Il percevra comme très risqué le choix d'un logiciel libre de peur de devoir fournir un important effort d'adaptation et craindra d'être le seul à gérer les problèmes en cas d'erreurs, plus fréquentes selon lui, du logiciel. Or, si les logiciels libres avaient véritablement ces caractéristiques, personne n'en acquerrait – à part ceux qui ne peuvent pas faire autrement faute d'argent pour payer les licences.

Les décideurs peu formés à l'informatique ne peuvent pas savoir ce que leur rapporteraient les logiciels libres et ne souhaitent pas le savoir car cela pourrait les entraîner hors des sentiers battus. Par ailleurs, il n'est probablement pas valorisant pour un décideur d'améliorer son effort d'évaluation objective en recourant à du personnel extérieur ou en créant un poste d'ingénieur chargé de l'évaluation.

Il se peut aussi que le risque et le coût des bogues ne soient pas correctement évalués. Imaginons le cas d'un directeur informatique qui propose une bureautique à base de Linux et StarOffice, solution parfaitement compatible et économiquement optimale.

Le directeur général rejettera cette solution sur l'avis de son directeur financier qui fera valoir qu'une panne du système de comptabilité de l'entreprise peut avoir des conséquences financières très graves et que, d'ailleurs, personne de sérieux n'utilise Linux. Confondant le risque lié à une panne de la comptabilité et celui d'une panne de la bureautique, puis croyant sur parole des affirmations infondées sur le sérieux de Linux, le directeur général en déduit que cette solution constitue un mauvais choix : le risque et le coût des bogues ont été majorés sans preuve pour la solution moins traditionnelle.

Dans la pratique, ce sont surtout des ingénieurs, des PME, des cabinets ou des utilisateurs indépendants qui utilisent Linux. Les premiers en raison de leur bonne perception des risques, des coûts et de leur goût pour le code source. Les autres en raison de la concurrence économique qu'ils ressentent beaucoup plus directement que les grandes entreprises. C'est ainsi que les effets spéciaux du film Titanic ont été calculés sur une centaine de stations Linux pour économiser le prix des licences du système d'exploitation.

Une opportunité : vendeur de logiciel libre

Alors qu'ils pourraient résoudre efficacement les problèmes informatiques de nombreux décideurs, ceux-ci se refusent à évaluer les logiciels libres et, donc, à les utiliser. Ils ne font pas souvent partie des logiciels sélectionnés lors des bancs d'essais de la presse technique, probablement parce qu'ils n'amènent pas d'annonceurs2.

Profitant de cette situation, des sociétés comme RedHat, Suse ou Caldera ont développé autour des logiciels libres une offre commerciale avec tout ce qu'elle doit comporter de marketing, de publicité, de lobbying, etc. Ces sociétés évaluent des logiciels libres, les assemblent et les combinent le cas échéant avec des logiciels commerciaux pour proposer des solutions intégrées adaptées aux besoins les plus courants des entreprises : serveur, station de travail, poste bureautique, etc. Elles proposent par ailleurs un service payant d'assistance technique autour de leurs solutions.

Ce type d'offre, plus facile à appréhender par la presse comme par les décideurs, revient à transférer une partie du coût d'évaluation des logiciels libres vers une société privée qui, en retour, certifie la qualité des solutions, prend en charge une partie du coût des bogues et garantit un minimum de réactivité. Ce service ayant un prix, le logiciel libre peut être vendu chez les distributeurs à côté des logiciels traditionnels et toucher un public bien plus large que s'il était distribué uniquement par Internet sous forme de code source à compiler, assembler et évaluer soi-même.

Les limites de l'approche « logiciel libre » ?

©1998 Jean-Paul Smets-Solanes
Tous droits de reproduction, traduction
et adaptation réservés par l'auteur.

1 StarOffice est un logiciel de bureautique équivalent de Microsoft Office mais 4 fois moins cher, gratuit pour l'enseignement et fonctionnant sur n'importe quel système d'exploitation. StarOffice détient 25% du marché de la bureautique en Allemagne mais n'est pas très connu encore dans des pays comme la France, l'Espagne, le Japon, l'Angleterre, etc.

2 La lecture des bancs d'essai dans la presse technique est parfois surprenante. Lors de comparaisons entre serveurs Web, le logiciel libre Apache est rarement cité alors que 40% des serveurs Web d'Internet fonctionnent sous Apache. Lors de comparaisons sur les serveurs de messagerie, Sendmail est rarement cité alors que presque tous grands serveurs de messagerie d'Internet l'utilisent. Enfin, on lit souvent qu'Unix est plus fiable que Windows NT mais plus cher ; pourtant, Linux est un logiciel de type Unix, plus fiable que Windows NT et gratuit.






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