Accueil



Rubriques


Dossiers

 

Entrevues

 

BiblioTech

 

Chroniques

 


Communiqués



Ressources


Infos Technos

 

Organismes

 


Médias



Forum


Réactions et
discussions !




 




Dossiers



L'économie du logiciel libre
Un point de vue d'utilisateur

Par Jean-Paul Smets-Solanes

Les limites de l'approche
« logiciel libre »

Le modèle du « logiciel libre » présenté ci-dessus offre pour l'utilisateur de tels avantages en termes de coûts, de souplesse, de fiabilité et de sécurité qu'on pourrait être tenté d'exclure toute autre approche. Ce serait oublier les coûts et contraintes cachés qui n'apparaissent pas dans notre modèle de prise de décision.

Le coût de migration est important

Nous avons négligé dans notre modèle un coût important : le coût de migration d'un système vers un autre, appelé aussi coût de sortie.

Il ne suffit pas de savoir que le coût d'entrée et le coût annuel d'une solution à base de logiciels libres est le plus bas si l'on doit, par ailleurs, investir des sommes considérables pour sortir d'une solution propriétaire et migrer vers celle des logiciels libres. Il convient donc d'évaluer si les gains de fiabilité et de réactivité de la nouvelle solution, ainsi que l'économie des renouvellement des licences, permettent de rentabiliser le coût de sortie.

Les grands éditeurs ont bien compris l'intérêt pour eux du coût de sortie. Une application de WorkFlow réalisée dans l'environnement Lotus Notes est par exemple très coûteuse à porter dans un autre environnement en raison de caractère propriétaire du langage Lotus Script utilisé pour définir les flux d'information. Ce langage n'est en effet disponible que dans l'environnement Lotus. Il existe bien des solutions équivalentes sous Linux (Perl, TCL etc.) mais elles ne sont pas compatibles avec Lotus Script et nécessiteraient de redéfinir les flux d'information dans un autre langage.

De même, une solution de base de données réalisée avec Microsoft Access et Visual Basic nécessite pour fonctionner la quasi-totalité de l'offre bureautique Microsoft ce qui rend impossible le portage vers une solution à base de logiciel libre à moins de consentir un effort important de développement.

C'est pourquoi il conviendrait que l'Etat, par sa politique d'équipement ou par la loi, contribue à l'émergence d'une informatique moins propriétaire permettant de diminuer les coûts de migration et d'améliorer les conditions de concurrence entre logiciels, qu'ils soient libres ou commerciaux. L'adoption par l'administration de formats de données publics (HTML, XML, MIME etc.) et de protocoles publics (HTTP, SMTP, IMAP, CORBA etc.) serait une première étape particulièrement utile pour que l'économie du logiciel libre ne soit pas tuée dans l'œuf par des phénomènes de cartels et de monopoles contraires à l'esprit de libre concurrence prôné par l'Union européenne, l'OCDE et l'OMC (Organisation mondiale du commerce).

Le coût des licences n'est pas linéaire

Les éditeurs de logiciels commerciaux ne vendent pas les logiciels à un prix proportionnel aux nombres de postes. En fait, il y a des ristournes, allant jusqu'à la gratuité, et des prix de gros qui sont destinés à dissuader l'emploi de logiciels gratuits, du moins quand les menaces sont suffisantes. C'est pourquoi, le fait de faire appel à un bureau d'évaluation pour comparer logiciels libres et logiciels commerciaux conduira l'éditeur à baisser ses prix.

Ceci justifie une double action de l'Etat : d'une part, faire appel à un bureau d'évaluation des logiciels pour les commandes publiques afin de bénéficier de tarifs réellement préférentiels de la part des éditeurs; d'autre part, favoriser le développement de logiciels libres pour que les éditeurs en position dominante sur un marché (Microsoft, Oracle, IBM, Apple, etc.) ne se sentent pas seuls.

Logiciel libre et multimédia

Nous avons vu plus haut que dans le domaine de la production multimédia, il n'existe pas de solution intégrée et stable à base de logiciels libres. Ce constat mérite d'être explicité.

Il existe en effet de nombreux logiciels libres pour le multimédia : Gimp (retouche d'images), Mesa (affichage 3D), POV (rendu d'images de synthèse), Moonlight (modélisation 3D), Multitrack (enregistrement audionumérique multipiste), XAnim (lecture audio et vidéo) etc. Mais ces logiciels ne gèrent pas certaines fonctionnalités avancées nécessaires dans un cadre professionnel.

La calibration colorimétrique1, par exemple, n'est pas gérée par les logiciels libres. Les formats vidéo les plus avancés et les séquences composites (mélange de son, texte, image, vidéo, 3D etc.) ne sont pas non plus supportés. Le copier-coller ne fonctionne pas pour les données multimédias et comme chaque application utilise ses propres bibliothèques de routines et ses propres formats, l'intégration de données disparates dans un même document est quasi impossible.

Quant au développeur, il ne dispose pas d'une bibliothèque de routines libres lui permettant de développer rapidement une application multimédia capable de gérer à la fois la calibration colorimétrique, les séquences composites, l'accès aux périphériques, la synchronisation, la 3D, etc.

Au contraire, l'offre de logiciel commercial dans le domaine du multimédia est très riche et la concurrence joue parfaitement son rôle de moteur de l'innovation et d'ajustement des prix. Le graphiste professionnel, qui est souvent free lance et n'a pas l'habitude de développer ses propres outils, peut donc difficilement justifier économiquement l'utilisation d'un environnement de logiciels libres relativement pauvre alors qu'existe un foisonnement de solutions commerciales très accessibles qui maximisent sa créativité et sa productivité.

Le développeur, qui doit produire rapidement une application utilisant toute la richesse du multimédia, choisira probablement la bibliothèque Quicktime car c'est la seule à couvrir tous ses besoins à la fois sous MacOS et sous Windows pour un coût de licence quasiment nul. Le développeur qui souhaite bénéficier d'une gestion de la couleur parfaite utilisera probablement ColorSync sous MacOS faute de concurrence sérieuse sous Windows.

Or, si ni les utilisateurs ni les développeurs d'applications multimédias n'ont d'intérêt à s'orienter vers une approche « logiciel libre », il est peu probable que de telles applications voient le jour à moins qu'un autre acteur favorise l'émergence de technologies libres pour la production multimédia et pour la calibration colorimétrique. Cet acteurs pourrait être, dans le cas du multimédia, un grand laboratoire public ou l'industrie de l'électronique grand-public qui est aujourd'hui menacée par la domination sans cesse croissante d'Apple et de Microsoft sur les technologies de diffusion vidéo par Internet .

Conclusion et recommandations

©1998 Jean-Paul Smets-Solanes
Tous droits de reproduction, traduction
et adaptation réservés par l'auteur.

1 La calibration colorimétrique permet de garantir qu'une image numérisée, mise en page puis imprimée conserve ses couleurs tout au long de la chaîne graphique






Copyright © 1996-99 NETgraphe inc. - Tous droits réservés
Hébergement : Mlink Internet