FCR à MADAGASCAR : de la STIMAD à
TELECOM MALAGASY (TELMA)
(par
Claude Bonneau)
1)
Introduction :
Dans sa très intéressante
contribution historique « FCR et l’Afrique », en ligne sur notre
site, Michel Hachmanian retrace de manière claire et documentée les opérations
menées par FCR dans
différents pays d’Afrique et à Madagascar, depuis 1960 jusqu’au début des
années 1990.
Concernant Madagascar, il
précise le contexte et explique le processus de création de la STIMAD (Société
des Télécommunications Internationales de la République de Madagascar) en 1971,
fruit du partenariat de FCR et de l’Etat malgache.
Cette société assura durant prés de vingt ans l’exploitation et la gestion du trafic
international de la Grande Ile.
Michel Hachmanian termine
son exposé en mentionnant l’arrivée d’une vague de restructurations et de
privatisations dans le secteur des télécommunications au début des années 1990.
Pour Madagascar,
j’ai eu l’occasion d’être associé à partir de 1993 aux discussions entre FCR et
l’Etat malgache, puis en 1994 comme Directeur Délégué expatrié, à la mise en
place des sociétés crées à partir de la STIMAD et durant deux années, à la mise
en œuvre des plans d’ actions pour développer les
réseaux et les services.
Je propose donc de compléter
la « saga de FCR en Afrique » par quelques éléments illustrant cette
transformation des télécommunications malgaches jusqu’à la privatisation de
TELECOM MALAGASY en
2001-2003 dans laquelle la Société Distacom à été
retenue de préférence à France Telecom / FCR.
2) La STIMAD
(Société des Télécommunications Internationales de Madagascar ) :
La
création de la STIMAD (SARL) a fait l’objet d’un protocole
d’accord entre FCR (alors Compagnie Française des Câbles
sous-marins et de Radio) et l’Etat de Madagascar en date du 17 septembre 1970.
Comme
l’indique ce protocole, au départ FCR était majoritaire (70 %) dans la société
mais il était prévu que l’Etat malgache augmente progressivement sa
participation en fonction du développement de la STIMAD afin de dépasser à
terme 50 %.
Cette
disposition a été respectée puisqu’en 1993, l’Etat malgache possédait 53 % et
FCR 47 %.
Les
statuts prévoient que la STIMAD est
dirigée par un Comité de gestion (représentants des actionnaires) et pour les
tâches opérationnelles, gérée conjointement par deux gérants désignés
respectivement par l’Etat et FCR.
Les
liaisons internationales exploitées et gérées concernaient au départ le
télégraphe, le téléphone, le télex et les liaisons spécialisées.
Les
infrastructures
techniques ont été constamment adaptées et modernisées, par
exemple dès 1972 la station
terrienne d’Arivonimamo, prés
d’Antananarivo permettait d’assurer des liaisons par satellite.
La
société disposait par ailleurs d’un commutateur Pentaconta situé à Analakely
(Antananarivo) encore en activité en 1993.
Le
siège et les services comptables et administratifs de la STIMAD étaient situés
dans le quartier d’Alarobia à Antananarivo.
3) La vague de
« restructurations/privatisations » des années 1990 :
Madagascar
n’a pas échappé à ce mouvement de dérèglementation et en 1992, le gouvernement
de transition (entre la 2ème et la 3ème république de
Madagascar) engage une évolution dans ce sens.
FCR,
déjà partenaire de l’Etat de Madagascar, est associée à ce projet prévoyant
l’évolution de STIMAD qui absorberait les télécommunications nationales, alors gérées par le
Ministère des PTT.
La
nouvelle société ainsi créée aurait été dénommée « MADAGASCAR TELECOM »
Toutefois,
l’avènement de la 3ème république et d’un nouveau gouvernement ont
remis en cause le schéma prévu et les négociations ont dû repartir à zéro avec
la nouvelle équipe dirigeante.
4)
Une structure transitoire : la STELMAD (Sté des
Télécommunications de Madagascar) :
Ces nouvelles négociations
qui ont duré en gros de début 1993 à mi-1994 se sont avérées particulièrement
difficiles.
Sous l’autorité de Laurent
Mialet, alors DG de FCR, elles étaient menées par Gilles Vaillant, Directeur
des Réseaux publics et Jacques Bonnardel, Responsable du Département Afrique
Océan Indien à DRP, en associant, bien entendu les Directions juridiques et
financières de FCR.
Par ailleurs, un des enjeux
de cette évolution était aussi le financement des énormes investissements
nécessaires pour la construction du réseau de télécommunications à Madagascar, alors pratiquement
inexistant et le développement des services.
Les deux principaux
bailleurs de fonds étaient la Caisse Française de Développement (devenue
l’Agence Française de Développement) et la Banque Mondiale qui, outre la
déréglementation et à terme la privatisation, imposaient de nombreuses
conditionnalités très précises et détaillées en contrepartie de leurs prêts.
Les négociations ont d’abord
abouti, mi 1994 à un protocole d’accord permettant la création de la STELMAD
(Société des Télécommunications de Madagascar) à partir de la STIMAD et en
intégrant les télécommunications nationales du Ministère des PTT.
La participation respective
de l’Etat et de FCR étaient fixées à 66 % et 34 %.
Par ailleurs, le protocole
d’accord prévoyait une avance d’actionnaire de FCR pour une première
réhabilitation d’urgence du réseau en attendant les investissements lourds.
Il prévoyait également la
signature d’un contrat d’assistance à la gestion et de partenariat avec la
nomination d’une équipe d’expatriés ayant un rôle-clé dans la gestion
opérationnelle de la société, notamment pour la Direction Générale (Directeur
Délégué), la Direction financière (Directeur Financier), la Direction
commerciale (co-Directeur Commercial) et la Direction Technique (co-Directeur
des Infrastructures)
La STELMAD fut mise en place
et les premiers travaux de réhabilitation du réseau ont commencé durant le
second semestre 1994.
Mais en parallèle, l‘Etat et
le Gouvernement de Madagascar, aidés par des cabinets de conseils
internationaux, élaboraient une nouvelle loi régissant le secteur des
télécommunications.
Cette loi fût finalement
votée et elle prévoyait notamment la création d’un Opérateur Principal malgache
pour les télécommunications.
Le Gouvernement n’a pas
souhaité que la STELMAD soit cet opérateur principal et à préféré
créer « ex nihilo » une nouvelle société baptisée TELECOM MALAGASY
(TELMA)
Cette
situation a provoqué de nouvelles discussions, négociations et du retard
supplémentaire avant de décider qu’il serait procédé à une fusion-absorption de
STELMAD par TELECOM MALAGASY.
Mais
cette opération s’est révélée longue et complexe, notamment sur les plans
juridique et financier. Or, la Caisse Française de Développement ne souhaitait
pas prêter de fonds à une société provisoire et attendait l’opérateur définitif, ce
qui a sérieusement retardé le début des travaux structurants du réseau.
Le schéma résumé ci-dessus a
fait l’objet d’un très bon article dans le numéro
de SPOT le journal interne de FCR, paru au deuxième semestre
1995.
5) L’opérateur fixé
par la loi : TELECOM
MALAGASY (TELMA)
La
création de TELMA (SA), l’absorption de STELMAD, la nomination des dirigeants,
l’approbation des plans et budgets ont été finalisés par des AG et CA en mars et avril
1995
(cf Historique de la création de TELMA)
En
juin 1995, FCR et TELECOM MALAGASY ont créé une filiale commune, DATA
TELECOM SERVICES (DTS), (SARL avec une répartition du
capital : 49 % FCR et 51 % TELMA).
Cette
filiale avait pour missions l’installation et l’exploitation d’un réseau X25 par VSAT
destiné à la commercialisation de transmission des données et de services
internet dans les dix principales villes de Madagascar.
La
tâche prioritaire de Télécom Malagasy était bien sûr la mise en place des infrastructures pour
construire un réseau moderne et performant de télécommunications.
Pour
cela, il fallait d’abord assurer le financement du plan de développement déjà
défini et validé.
Les
dernières conditionnalités de la Caisse
Française de Développement pour le déblocage du prêt de 130
millions de Francs français ont été réalisées en septembre 1995.
Les
travaux avaient cependant pu commencer avant (vers la mi-année) grâce à la
bonne volonté d’Alcatel, adjudicataire des travaux de la Plaque
numérique (commutation- transmission à Antananarivo et
Toamasina/Tamatave ainsi qu’une liaison par faisceaux hertziens entre les deux
villes)
Quant
à la Banque mondiale, elle a finalement refusé de financer la partie réseau
local (collecte des abonnés vers les points de commutation) sous prétexte que
sa vocation était d’aider les Etats et non les sociétés privées ou
privatisables.
Les
travaux de réseau local ont donc été progressivement réalisés en
autofinancement par TELMA.
Le
bilan de l’année 1995,
premier bilan d’activité de TELMA donne les chiffres-clés et retrace les principaux événements
de l’exercice.
L’équipe
d’expatriés était alors composée de Roger Bernard (Co-Directeur des
Infrastructures) qui avait remplacé Jean-Marc Lejosne, Jean-Paul Gandet
(Co-Directeur Commercial), Patrick Marsal (Directeur Financier) et Claude
Bonneau (Directeur Délégué)
En
avril 1996, Monsieur Ny Hasyna Andriamanjato,
Ministre des PTT de Madagascar a inauguré la première tranche des travaux de la
« Plaque numérique » concernant Antananarivo.
La
deuxième tranche (Toamasina/Tamatave) a été inaugurée en septembre 1996.
Parallèlement
au projet Plaque numérique (concernant Antananarivo et Toamasina), TELMA a
engagé un deuxième grand projet appelé DOMSAT 2, destiné à relier par
satellite, entre elles et à Antananarivo, les 12 villes principales de la Grande
Ile.
Ce
projet comportait également pour chaque ville une partie
« commutation » et une composante « réseau local »
pour la collecte des clients et leur raccordement au commutateur.
Le
projet DOMSAT 2 a été financé d’une part avec des crédits fournisseurs (Alcatel
notamment) et en autofinancement.
La
plaquette « fiche
d’opération » réalisée par FCR pour Madagascar donne la chronologie
des évènements et précise les aspects techniques des différents projets
conduits au sein de TELMA durant ces années.
6) La privatisation
de TELMA :
Le
processus de déréglementation du secteur des PTT à Madagascar prévoyait à terme
la privatisation de TELECOM MALAGASY, l’ « opérateur
principal » défini par la loi.
Cette
privatisation devait avoir lieu, une fois la Société mise en place, les
infrastructures du réseau de télécommunications construites sur l’ensemble du
territoire et les
différents services définis et
commercialisés.
Ainsi,
TELMA pouvait être plus attractive lors d’un appel d’offre international sous
l’égide des bailleurs de fonds institutionnels.
FT/FCR
possédait 34 % du capital de TELMA et l’Etat malgache 66 %, le schéma
finalement retenu étant la vente de 34 % des actions détenues par l’Etat.
Les
discussions préalables entre les différents interlocuteurs (nationaux et
internationaux) ont été plutôt longues et difficiles.
De
plus, comme indiqué précédemment, FCR participait, dans le cadre d’un contrat
de partenariat, au management de TELECOM MALAGASY avec la présence de quatre
expatriés.
FT/FCR
souhaitant répondre à l’appel d’offres, le protocole d’accord avec l’Etat
prévoyait que FCR s’engageait, s’il n’était pas retenu, à céder ses parts (34
%) à la société adjudicataire, au même prix que celles cédées par l’Etat.
Par
ailleurs, le Gouvernement malgache a demandé le départ des quatre expatriés de
FCR, préalablement au lancement de l’appel d’offres qui était annoncé pour
septembre 1999.
Les
expatriés sont donc rentrés en avril 1999 et FCR a confié le suivi périodique
de la situation (notamment financière) de TELMA à un cabinet d’audit local,
afin de préserver ses intérêts.
Toutefois,
la situation politique s’est progressivement dégradée, provoquant de nouveaux
retards dans le processus de privatisation de TELMA (cf repères historiques de Madagascar)
L’appel
d’offres à finalement été lancé en juin 2001, FT/FCR a répondu ainsi que d’autres
opérateurs concurrents.
Après
de longs mois de retard, dû notamment à de nouveaux troubles politiques et
sociaux, le Comité de privatisations a retenu, fin 2002, l’offre du groupe
DISTACOM.
Une
difficulté nouvelle est apparue, c’est que dans cet appel d’offres, TELMA
bénéficie non seulement d’une licence de téléphonie fixe et VSAT mais aussi
d’une licence de téléphonie mobile.
Or,
DISTACOM exploite déjà un réseau mobile au sein de MADACOM dont il est
l’actionnaire principal, ce qui entraîne évidemment un conflit d’intérêt.
Donc,
pour maintenir son offre, DISTACOM devra céder ses actions dans MADACOM.
Le
bouclage définitif de toutes les opérations juridiques, financières et
comptables n’est intervenu que fin 2003 - courant 2004 (cf schéma d’évolution, extrait du Bilan d’activité 2008 de
TELMA)
FT/FCR
n’est donc plus actionnaire dans l’opérateur fixe historique malgache mais
reste présent à Madagascar avec l’opérateur mobile Orange
Madagascar.
7) Orange
Madagascar
La
Société Malgache de
Mobile (SMM) dans laquelle FT/FCR est majoritaire s’est
implantée à Madagascar en 1997 et a pris le nom commercial d’ANTARIS
avant d’adopter le « rebranding »
Orange Madagascar en 2003.
Elle
est aujourd’hui (début 2012)
leader du marché des mobiles sur la « Grande île »
avec environ 4 millions de clients et plus de 55 % de part
de marché.
La
création, la mise en place et le développement ce cette filiale ont connu de
nombreuses difficultés, péripéties et rebondissements avant qu’elle devienne la
référence du marché des mobiles à Madagascar.
Certains
collègues de l’Amicale, notamment Alain REILLAC, furent les pionniers et les
artisans de l’implantation de FT/FCR dans la téléphonie mobile à Madagascar et
en Afrique.
L’historique
de tous ces évènements pourra donc faire l’objet de prochaines contributions
qui viendront compléter celles déjà en ligne sur notre site web
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