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Grain de SEL

Jean-Michel Servet (sous la direction de),
Une Economie sans argent
les Système d'Echange Local

Editions du Seuil, 1999, 352 pages;

Peut-on imaginer une économie sans monnaie? Avec la mise en place des Systèmes d'Echange Local (SEL), les auteurs de cet ouvrage - tous membres de ces structures - le prétendent, du moins pour des segments spécifiques des activités humaines. Mais bien plus que l'aspect financier, c'est la dimension humaine que Jean-Michel Servet veut mettre en avant. La nature même des échanges réalisés au sein des SEL justifie une réflexion approfondie, ne serait-ce que pour faire face aux objections des services fiscaux.

Un SEL, comment ça marche?
Le principe de fonctionnement des SEL est relativement simple. On recense, dans une zone donnée, l'ensemble des compétences des uns et des autres. On établit un catalogue et une unité de compte pour assurer les échanges. Qui est intéressé par une prestation fait appel, par l'intermédiaire de l'association, à l'individu compétent; et devient alors redevable d'un service de même montant envers l'ensemble de la communauté, alors qu'en retour, le prestataire obtient un crédit.
L'échange est bilatéral, mais la compensation est multilatérale et les besoins des participants sont d'autant plus facilement satisfaits.

Entre don et échange - le SEL, créateur de lien social
En organisant des échanges indépendants du système traditionnel, les SEL apparaissent suspects. Quelle est la véritable nature des relations établies au sein de ces communautés? En fait, les services rendus sont très hétérogènes (bricolage, cours, tâches ménagères...). Ce qui unit les adhérents, c'est toujours une volonté citoyenne et le refus du règne de l'argent. Le grain de SEL a certes des fonctions communes à la monnaie classique: compter, payer, conserver. Mais, comme le montre également Michel Aglietta (auquel le texte se réfère), cette unité est avant tout symbole d'un lien social: un SEL, une unité de compte, une communauté.
Pour Jean-Michel Servet, la situation des SEL se trouve au-delà du débat gratuit/payant. Il avoue qu'il existe une sorte de "vide juridique", on est d'ailleurs le plus souvent dans le cadre du "coup de main" entre voisins juste un peu plus institutionnalisé.

Le SEL et le système officiel, faire face au regard du fisc
On peut reprocher aux SEL d'encourager le travail clandestin, c'est d'ailleurs le sens d'une décision de première instance rendue en Ariège en janvier 1998 à l'encontre d'un plombier. Mais celui-ci a été relaxé en appel huit mois plus tard. L'attitude des pouvoirs publics n'est donc pas entièrement définie.
Jean-Michel Servet rejette l'analyse qui fait des SEL une tentative libertaire de refus de l'Etat. Le plus souvent, les associations se rapprochent des collectivités locales et du fisc avant de se constituer.
Elles cherchent davantage à agir là où l'Etat a échoué et non à le contourner.
Dans tous les cas, l'ampleur des services échangés reste limitée (80 euros/an/personne dans les SEL urbains, 450 dans les SEL ruraux). Les problèmes liés à la TVA ou à la protection sociale peuvent donc encore bénéficier d'une certaine tolérance de la part de l'Etat. Gageons que si le mouvement prend de l'ampleur, celui-ci saura rapidement dissiper le flou juridique.

Si l'ensemble de l'équipe dirigée par Jean-Michel Servet s'est investie dans des SEL, par souci méthodologique, mais aussi par conviction, le travail présenté conserve un souci scientifique constant. Il pose parfois plus de questions qu'il n'en résout. Il a, en tout cas, le mérite d'attirer notre attention sur une forme de communauté d'échange à dimension humaine dans laquelle l'anonymat n'est plus la règle, dans laquelle on apprend à connaître son voisin.

Cyril Colléatte

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Droits de reproduction et de diffusion réservés.©Paru 1999