Scénario 2 : limiter la portée des brevets sur les logiciels en Europe

Si l'on souhaite légaliser les brevets sur les logiciels, les principes et contraintes suivants doivent être absolument pris en compte pour éviter les dérives américaines :
  1. Droit à la libre interopérabilité. En extension du principe européen de droit à l'interopérabilité, l'usage d'un brevet à des fins d'interopérabilité devient libre dans le domaine du logiciel. Si ce n'était pas le cas, le droit européen du logiciel risquerait d'être incohérent avec le droit des brevets.
  2. Ouverture à la concurrence internationale de la délivrance de brevets. Dans un soucis d'efficacité, afin que les coûts d'obtention correspondent mieux aux coûts de production et aux modes de développement mondialisés, afin que le droit d'être protégé par un brevet ne soit pas un droit conçu par et pour les multinationales, il convient d'autoriser plusieurs types d'organismes (cabinets, associations, instituts, etc.) à délivrer des brevets. Les technologies informatiques modernes permettent en effet désormais de consolider automatiquement les bases d'antériorité et de référencement.
  3. Restriction aux grandes inventions. La durée de 20 ans pour la protection par les brevets est un non sens dans l'industrie du logiciel. Les accords TRIPS empêchent de la modifier. Afin de limiter les dégâts causés par les brevets sur des procédés élémentaires fondamentaux, il convient de limiter la délivrance de brevets sur les programmes aux très grandes inventions (une centaine par an et non plusieurs dizaines de milliers).
  4. Protection du modèle de développement libre. Le processus de développement des logiciels libres est assimilable à un processus de recherche. Il doit être protégé de façon à interdire les attaques pour contrefaçon lorsqu'un logiciel libre est publié à des fins d'expérimentation. En revanche, l'usage ou la diffusion de logiciels libres à des fins commerciales doit être éventuellement soumis au droit des brevets à condition que l'on n'attaque pas les diffuseurs lorsque ceux-ci n'ont pas commis de faute (voir ci-dessous).
  5. Protection des diffuseurs de logiciel sur Internet. Les diffuseurs de logiciels téléchargeables (libre, shareware, freeware) ne doivent pas être rendus responsables des contrefaçons. Seuls les auteurs de logiciels peuvent être rendus responsables. Un système de résolution rapide des conflits est nécessaire. En cas de contrefaçon avérée, la diffusion de logiciels contrefaits doit pouvoir cesser immédiatement par notification au diffuseur. Pour éviter tout terrorisme juridique, on retiendra le principe que le plaignant doit faire la preuve de la contrefaçon à travers un système de jugement rapide. Autrement, on risquerait de voir certains plaignants attaquer systématiquement, sachant que la défense n'a pas les moyens de se défendre même lorsqu'elle n'est pas en tort.
  6. Régime de responsabilité limitée des auteurs et éditeurs. Le système de brevets ne doit pas conduire à ce que l'auteur involontaire d'une contrefaçon risque de perdre sa fortune personnelle si le plaignant fait la preuve d'une concurrence déloyale auprès d'un juge et exige paiement du manque à gagner. Inversement, on doit pouvoir garantir au plaignant de faire cesser rapidement la contrefaçon. A cette fin, on pourrait imaginer un régime spécifique de publication des logiciels au moyens de clés juridiques qui en bloqueraient automatiquement l'usage en cas de contrefaçon avérée. Les auteurs acceptant ce système se verraient garantir en échange une garantie d'immunité financière.
  7. Fond de protection et d'indemnisation des éditeurs européens. L'introduction de brevets sur les logiciels remet largement en cause le modèle d'affaires de nombreux éditeurs européens. Ce modèle est fondé sur le droit d'auteur / copyright et l'autofinancement. Un fond de protection et d'indemnisation doit permettre de faciliter leur transition vers l'usage de brevets et indemniser les faillites liées à l'introduction des brevets.
  8. Liberté de pensée des intelligences artificielles. Un programme produit par un procédé de méta-programmation ne peut constituer une contrefaçon.
On peut également envisager :
  1. de définir un droit d'accès équitable aux brevets sur les logiciels pour éviter les situations de blocage de la concurrence et les tarifs de licence abusifs tout en rémunérant les inventeurs.
  2. d'annuler les brevets lorsqu'ils ne sont pas mis en oeuvre au bout d'un certain temps afin d'éviter la situation où l'on brevette sans mettre des logiciels sur le marché