Scénario 2 : limiter la portée des brevets sur les logiciels
en Europe
Si l'on souhaite légaliser les brevets sur les logiciels, les principes
et contraintes suivants doivent être absolument pris en compte pour
éviter les dérives américaines :
-
Droit à la libre interopérabilité. En extension
du principe européen de droit à l'interopérabilité,
l'usage d'un brevet à des fins d'interopérabilité
devient libre dans le domaine du logiciel. Si ce n'était pas le
cas, le droit européen du logiciel risquerait d'être incohérent
avec le droit des brevets.
-
Ouverture à la concurrence internationale de la délivrance
de brevets. Dans un soucis d'efficacité, afin que les coûts
d'obtention correspondent mieux aux coûts de production et aux modes
de développement mondialisés, afin que le droit d'être
protégé par un brevet ne soit pas un droit conçu par
et pour les multinationales, il convient d'autoriser plusieurs types d'organismes
(cabinets, associations, instituts, etc.) à délivrer des
brevets. Les technologies informatiques modernes permettent en effet désormais
de consolider automatiquement les bases d'antériorité et
de référencement.
-
Restriction aux grandes inventions. La durée de 20 ans pour
la protection par les brevets est un non sens dans l'industrie du logiciel.
Les accords TRIPS empêchent de la modifier. Afin de limiter les dégâts
causés par les brevets sur des procédés élémentaires
fondamentaux, il convient de limiter la délivrance de brevets sur
les programmes aux très grandes inventions (une centaine par an
et non plusieurs dizaines de milliers).
-
Protection du modèle de développement libre. Le processus
de développement des logiciels libres est assimilable à un
processus de recherche. Il doit être protégé de façon
à interdire les attaques pour contrefaçon lorsqu'un logiciel
libre est publié à des fins d'expérimentation. En
revanche, l'usage ou la diffusion de logiciels libres à des fins
commerciales doit être éventuellement soumis au droit des
brevets à condition que l'on n'attaque pas les diffuseurs lorsque
ceux-ci n'ont pas commis de faute (voir ci-dessous).
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Protection des diffuseurs de logiciel sur Internet. Les diffuseurs
de logiciels téléchargeables (libre, shareware, freeware)
ne doivent pas être rendus responsables des contrefaçons.
Seuls les auteurs de logiciels peuvent être rendus responsables.
Un système de résolution rapide des conflits est nécessaire.
En cas de contrefaçon avérée, la diffusion de logiciels
contrefaits doit pouvoir cesser immédiatement par notification au
diffuseur. Pour éviter tout terrorisme juridique, on retiendra le
principe que le plaignant doit faire la preuve de la contrefaçon
à travers un système de jugement rapide. Autrement, on risquerait
de voir certains plaignants attaquer systématiquement, sachant que
la défense n'a pas les moyens de se défendre même lorsqu'elle
n'est pas en tort.
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Régime de responsabilité limitée des auteurs et
éditeurs. Le système de brevets ne doit pas conduire
à ce que l'auteur involontaire d'une contrefaçon risque de
perdre sa fortune personnelle si le plaignant fait la preuve d'une concurrence
déloyale auprès d'un juge et exige paiement du manque à
gagner. Inversement, on doit pouvoir garantir au plaignant de faire cesser
rapidement la contrefaçon. A cette fin, on pourrait imaginer un
régime spécifique de publication des logiciels au moyens
de clés juridiques qui en bloqueraient automatiquement l'usage en
cas de contrefaçon avérée. Les auteurs acceptant ce
système se verraient garantir en échange une garantie d'immunité
financière.
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Fond de protection et d'indemnisation des éditeurs européens.
L'introduction de brevets sur les logiciels remet largement en cause le
modèle d'affaires de nombreux éditeurs européens.
Ce modèle est fondé sur le droit d'auteur / copyright et
l'autofinancement. Un fond de protection et d'indemnisation doit permettre
de faciliter leur transition vers l'usage de brevets et indemniser les
faillites liées à l'introduction des brevets.
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Liberté de pensée des intelligences artificielles.
Un programme produit par un procédé de méta-programmation
ne peut constituer une contrefaçon.
On peut également envisager :
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de définir un droit d'accès équitable aux brevets
sur les logiciels pour éviter les situations de blocage de la
concurrence et les tarifs de licence abusifs tout en rémunérant
les inventeurs.
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d'annuler les brevets lorsqu'ils ne sont pas mis en oeuvre au bout
d'un certain temps afin d'éviter la situation où l'on brevette
sans mettre des logiciels sur le marché