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Protecting Innovation & Competition in the IT Industry
Innovation
Q : D'où provient l'innovation dans l'industrie du logiciel ?
Les logiciels ne sont pas naturellement périssables. Ceci signifie
qu'un logiciel qui répond à besoin aujourd'hui continuera
de répondre à ce même besoin demain sans se dégrader.
Un éditeur de logiciel qui souhaite pouvoir continuer à vendre
des logiciels après avoir saturé le marché doit nécessairement
innover, c'est-à-dire proposer de nouvelles fonctionnalités
qui inciteront les utilisateurs déjà équipés
avec des logiciels qui répondent à leurs besoins à
acquérir de nouveaux logiciels sensés mieux répondre
à leur besoin. En l'absence de monopole et si les conditions d'interopérabilité
sont garanties, ce sont les produits les plus innovants, les plus fiables,
les mieux présentés ou les moins coûteux qui sont les
plus vendus. Comme déclare Yann Corno de Métacréations
(leader mondial des logiciel de 3D) : "dans cette industrie, il faut être
le meilleur pour survivre".
Q : Les brevets sur les logiciels stimulent-ils l'innovation ?
Parce que l'innovation est déjà à son comble dans
l'industrie du logiciel en raison de la course effrénée aux
fonctionnalités à laquelle se livrent les éditeurs,
l'introduction de brevets en plus du droit d'auteur n'a aucun effet positif
sur l'innovation.
En revanche, les brevets sur les logiciels introduisent de coûts
juridiques élevés liés à la complexité
des procédures de dépôt et à l'incertitude en
cas de conflit pour contrefaçon. Ces coûts et cette incertitude
juridique nouvelle sont globalement néfastes aux petits éditeurs
de logiciels et aux auteurs de logiciels libres dont l'activité
peut rapidement devenir déficitaire ou dangereuse. Or, la majorité
des innovations dans l'industrie du logiciels provient originellement de
petites sociétés ou d'auteurs indépendants.
Il est donc probable que l'introduction de brevets dans l'industrie
du logiciel va freiner l'innovation en la rendant trop risquée pour
la majorité des acteurs qui préféreront se tourner
vers d'autres secteurs économiques encore vierges de brevets.
Q : A-on besoin de brevets pour inciter les chercheurs en informatique
à valoriser leurs travaux ?
La rédaction d'un brevet force les chercheurs à prendre en
compte plus directement l'applicabilité de leurs travaux. En utilisant
les brevets comme un outil d'évaluation de la recherche, on peut
espérer raisonnablement inciter les chercheurs à appliquer
plus souvent leurs travaux et à en assurer le transfert technologique.
Dans le domaine des logiciels, la publication de logiciels libres, téléchargeables
sur Internet et fournis avec leur code source, peut jouer exactement le
même rôle que les brevets sur les logiciels. Mieux : le nombre
de téléchargement d'un logiciel ou sa notoriété
sont des moyens bien plus directs de mesurer la qualité de travaux
de recherche appliqués en informatique. Afin de garantir moralement
la paternité des inventions, des archives européennes de
logiciels libres pourraient être constituées.
Contrairement à d'autres domaines, les brevets sur les logiciels
ne sont pas nécessaires pour garantir le transfert technologique.
Ils peuvent être remplacés avantageusement pas une évaluation
par la publication de logiciels libres.
Par ailleurs, les fonds de brevets sur des logiciels ne sont pas souvent
rentables (ex. le fond de brevets de l'INRIA ne serait pas rentable) car
les brevets sur les logiciels ne servent pas à protéger une
invention mais à se protéger contre une procédure
de contrefaçon. L'idée que les brevets sur les logiciels
permettent à des instituts de recherche de valoriser financièrement
les travaux de leurs cherches est largement illusoire. En revanche, le
nombre de brevets déposés aujourd'hui risque de bloquer la
capacité d'innovation de nombreux chercheurs qui se verraient interdire
de partager leurs travaux sur Internet en raison du risque élevé
de présence de contrefaçons en leur sein.
Financement
Q : Pourquoi certains investisseurs souhaitent-ils des brevets sur les
logiciels ?
La procédure d'évaluation d'une affaire par un investisseur
spécialisé dans le high tech le conduit à se
poser deux questions légitimes :
-
Quelle est la valeur de cette invention ?
-
Cette invention est-elle protégeable contre la copie ?
Les investisseurs considèrent que les brevets sur les logiciels
sont à la fois une façon aisée d'évaluer l'actif
immatériel technologique d'un éditeur de logiciel et de protéger
leur investissement en bénéficiant d'une position de monopole
sur la technologie.
Par ailleurs, les brevets sont des titres cessibles et les investisseurs
apprécient particulièrement lorsqu'ils investissent dans
une société éditrice de logiciels de pouvoir détenir
des titres de propriété qu'ils peuvent vendre ou échanger.
Lorsque l'investissement a lieu avant tout développement de code
source ou de produit, les brevets sont, avec les marques, les seuls actifs
immatériels de la société. En autorisant les brevets
sur les logiciels, on incite les investisseurs à investir plus tôt
ce qui est présenté comme crucial dans une stratégie
de "first mover, take all".
Q : Les brevets protègent-ils les investisseurs ?
La mécanique des brevets sur les logiciels peut se retourner contrer
les investisseurs. Tout d'abord, la procédure d'évaluation
d'un brevet est avant tout administrative. La recherche d'antériorité
n'est pas la exempte de failles. Et des brevets sont parfois accordés
à des concepts ou à des idées. En France, l'attribution
d'un brevet est accordée sans analyse sur le fond.
Ceci donne au brevet une valeur aléatoire : en cas de procès,
une antériorité ou une requalification en idée ou
concept conduisent à une annulation du brevet. C'est ainsi que des
brevets sur des procédés fondamentaux incontournables dans
le domaine du logiciel ont été annulés parce qu'ils
étaient trop généraux, trop abstraits ou décrits
dans des manuels scientifiques. Par ailleurs, le long délai de la
procédure administrative conduit à accorder un titre de propriété
pour des procédés techniques lorsqu'ils sont devenus dépassés
par le progrès.
Les brevets sur les procédés techniques présentent
aussi la particularité d'être contournables par les tactiques
d'encerclement ou de contournement. L'encerclement consiste à déposer
autour d'une innovation majeure une grande quantité d'innovations
mineures que l'inventeur originel devra utiliser lorsqu'il souhaitera perfectionner
un procédé. Or, dans le domaine du logiciel et des mises
en oeuvre d'algorithmes, les perfectionnements sont très nombreux
et aisés à découvrir. Lorsque l'inventeur originel
perfectionnera son invention, il tombera probablement sur l'une de ses
inventions et ne pourra l'utiliser qu'à condition de procéder
à un échange de brevets, c'est-à-dire à condition
de se faire déposséder de son invention.
Dans le domaine des brevets sur l'usage de formules mathématiques,
il suffit de reformuler une formule d'un domaine des mathématiques
(ex. les systèmes dynamiques) dans un autre domaine des mathématiques
(ex. la logique floue) pour contourner un brevet. Les programmes qui assurent
la mise en oeuvre des ces formules sont très similaires mais peuvent
être présentés comme dérivant de technologies
différentes;
Mais le principal danger des brevets pour les investisseurs reste l'incertitude
juridique qu'ils engendrent. Un logiciel est constitué de centaines
de milliers de procédés dont la plupart sont élémentaires
et quelques uns sont véritablement innovants. Des sociétés
comme IBM ou Hitachi ont mené une politique de dépôts
de brevets tous azimuts, notamment sur des procédés élémentaires
fondamentaux. Une startup qui met sur le marché un logiciel
a toutes les chances de faire appel à l'un de ses procédés.
En cas de conflit, elle devra, en fonction des situations :
-
Echanger ses brevets sur des procédés innovants contre des
brevets sur des procédés élémentaires fondamentaux
-
Verser une partie de son chiffre d'affaires au détenteur de brevets
sur des procédés élémentaires
-
Retirer son logiciel de la vente et cesser l'usage de procédés
élémentaires fondamentaux
-
Verser des dommages et intérêts
Les brevets agissent désormais dans l'industrie du logiciel comme
des mines sur un champ de bataille. Leurs premières victimes sont
les startup aux avants-poste de l'innovation qui sont éliminées
dès qu'elles s'appuient sur des savoirs existants pour faire avancer
le progrès technique.
Les incertitudes juridiques du brevet tendent à rendre incertaine
l'évaluation des actifs immatériels du logiciel par les brevets.
Les pratiques de terrorisme juridique par les brevets menacent les investisseur
en permettant de les déposséder leurs titres et menacent
ainsi la rentabilité de leurs investissements. Aussi, l'édition
de logiciel est devenue trop risquée pour de nombreux investisseurs
qui préfèrent se tourner vers d'autres secteurs innovants.
Parce qu'ils menacent l'investissement des financiers sans le protéger
efficacement, les brevets sur les logiciels ont un effet néfaste
sur l'industrie du logiciel.
Q : Je suis investisseur, comment me protéger ?
Tout d'abord, le droit du logiciel et le droit des marques offrent un bon
niveau de protection d'un investissement sur un code source et sur une
clientèle. Le rachat de Netscape par AOL ou de Yahoo montrent d'ailleurs
qu'une marque est probablement de nos jours le meilleur moyen de valoriser
un logiciel ou un service grand public. Pour un produit plus ciblé
(ex. les bibliothèques d'optimisation d'Ilog), le secret du code
source reste actuellement l'une des meilleures protections face à
la contrefaçon.
Mais lorsqu'il s'agit de protéger un investissement sur un produit
qui n'a pas encore été développé, deux questions
se posent : l'évaluation et la propriété.
-
pour l'évaluation, nous avons vu que le brevet ne proposait pas
une réponse adaptée. Peut-être vaudrait-il mieux que
les investisseurs s'entourent d'ingénieurs capables d'analyser sérieusement
l'intérêt d'une nouvelle technologie ou d'un nouveau service
plutôt que de croire en la procédure purement administrative
du brevet
-
pour protéger sa propriété, des contrats de travail
assortis d'une clause d'exclusivité et de stock options sont
un moyen plus simple et plus efficace d'éviter qu'un savoir-faire
original ne puisse bénéficier à la concurrence tout
en incitant un employé à développer des savoirs originaux
ne pouvant bénéficier immédiatement à d'autres.
Concurrence
Les brevets sur les logiciels menacent-ils la libre concurrence ?
Tous les brevets sur les logiciels ne menacent pas la concurrence intrinsèquement.
Mais, compte-tenu de de leurs coûts, les brevets favorisent clairement
les acteurs déjà établis au détriment des nouveaux
entrants car le coût d"un brevet est le plus souvent très
supérieur au coût de développement ou de découverte
du procédé. C'est d'ailleurs moins le cas dans d'autres industries
où le développement d'un procédé coûte
extrêmement cher et où le dépôt de brevet permet
effectivement de protéger les inventeurs.
Or, la concurrence en informatique vient de petits acteurs et des logiciels
libres comme Linux, MySQL,
Qt, etc. Le coût élevé
des brevets tend donc à amoindrir cette concurrence.
Par ailleurs, un certain nombre de brevets peuvent directement bloquer
la concurrence, quel que soit leur coût :
-
les brevets sur les interfaces utilisateur, en freinant la normalisation
des usages, entravent la concurrence. Imaginons que Volvo ait breveté
le volant et Renault le joystick pour conduire un voiture. Qui accepterait
de passer du volant au joystick lors du renouvellement de son automobile
?
-
les brevets sur les interfaces techniques (formats de fichier, protocoles
de communication, langages, etc.) entravent la concurrence en limitant
l'interopérabilité
Pour ne pas entraver la concurrence, la brevetabilié des interfaces
doit soit être exclue, soit être autorisée à
condition que l'usage d'un brevet sur une interface soit libre à
des fins d'interopérabilité ou de normalisation des usages.
Peut-on tout breveter ?
Certains brevets, par leur généralité et leur caractère
trop élémentaire reviennent à s'approprier des savoirs
qui font partie du domaine des idées avec pour conséquence
de limiter l'accès de tous à des principes fondamentaux.
L'esprit des brevets est bien de protéger des inventions techniques
à caractère industriel. Aussi, il convient, dans l'intérêt
de tous, d'exclure de la brevetabilité des logiciels :
-
les formules mathématiques
-
les algorithmes
-
les principes d'organisation
En revanche, la mise en oeuvre technique particulière d'un algorithme
ou d'un principe d'organisation donné pour une application à
caractère industriel donnée est conforme à l'esprit
des brevets. Ce sont, de notre point de vue, les seuls éléments
éventuellement brevetables dans un logiciel à condition que
-
l'office des brevets limite de façon très stricte l'étendue
des brevets sur les logiciels aux mises en oeuvre techniques pour une application
à caractère industriel
-
que seules les véritables inventions soient brevetables
-
que la durée du brevet soit adaptée aux cycles industriels
du logiciel
Europe
Les brevets sur les logiciels vont-ils dans l'intérêts des
éditeurs européens ?
Il existe en Europe de très nombreux éditeurs de logiciels
(http://www.europe-inside.com)
qui partagent les caractéristiques suivantes :
-
croissance par autofinancement
-
petite taille
-
faibles moyens financiers
-
produit innovants
-
produits de grande qualité primés aux Etats-Unis
-
inconnus des services administratifs centraux (Union Européenne,
Etats Membres)
Ce type d'entreprise est celui qui subit le plus les attaques pour contrefaçons
et n'a pas les moyens de se défendre en déposant des brevets
défensifs. L'introduction en Europe de la brevetabilité des
logiciels risque d'éliminer ou d'assujétir à des intérêts
extra-européens toutes ces sociétés qui font la richesse
de l'Europe du logiciel
75% des tentatives de brevet sur les logiciels en Europe proviennent
d'ailleurs d'intérêts américains.
Les brevets sur les logiciels vont-ils dans l'intérêts des
consommateurs européens ?
L'absence de brevets dans l'industrie du logiciel permet de stimuler la
concurrence et l'innovation dans l'industrie. Les brevets sur les logiciels
sont donc contraires aux intérêts des consommateurs.
Les brevets sur les logiciels vont-ils dans l'intérêts des
citoyens européens ?
Les brevets sur les logiciels limitent la concurrence et rendent risquée
la création d'entreprise par autofinancement ou fonds privés,
ce qui constitue le principal moyen de création d'entreprise en
Europe.
En rejetant les brevets sur les logiciels, les européens peuvent
bénéficier d'un avantage concurrentiel par rapport aux zones
géographiques qui les acceptent :
-
En réduisant les incertitudes et les coûts juridiques en Europe
dans l'industrie du logiciel ;
-
En favorisant l'émergence d'une industrie européenne de logiciels
"compatibles" et fiables dont seuls les européens peuvent bénéficier
;
-
En renforçant la concurrence sur le marché européen
au profit des sociétés utilisatrices.
En l'absence de brevets sur les logiciels en Europe, il faut continuer
à déposer des brevets aux Etats-Unis et au Japon dans des
fonds communs permettant de garantir aux produits européens l'accès
aux marchés à l'exportation.
Les brevets sur les logiciels vont-ils dans l'intérêts des
citoyens américains, japonais, etc. ?
Les brevets sur les logiciels tendent à favoriser la constitution
d'oligopoles ce qui peut sembler tout à fait conforme aux intérêts
des multinationales américaines et japonaises qui ont déjà
des positions fortes dans le logiciel.
D'un point de vue de consommateur, les brevets sur les logiciels sont
aussi mauvais pour les européens que pour les américains
ou les japonais. S'ils souhaitent le choix, les consommateurs américains
ou japonais devraient également exiger une réforme du droit
des brevets et soutenir toute initiative innovante de l'Union Européenne
visant à limiter la portée des brevets dans l'industrie du
logiciel.
C'est aussi dans l'intérêt des petits entrepreneurs américains
ou japonais du logiciel qui envisagent de vendre des produits finis. Idem
pour les auteurs de logiciels libres qui courrent actuellement de grands
risques.
En revanche, les entrepreneurs qui souhaitent produire des nouvelles
technologies sans chercher à en faire des produits finis sous forme
de logiciels directement exploitables, peuvent souhaiter bénéficier
des brevets comme outil de valorisation de leur entreprise lors d'une cession
à un grand groupe. Et ce, quelle que soit l'exploitation faite par
le grand groupe de cette technologie. Mais ces entrepreneurs n'ont pas
besoin pour réussir de brevets européens (il leur suffit
de déposer aux USA ou au Japon). Ils n'ont donc aucune raison de
s'opposer à une loi européenne innovante sur les brevets
dans l'industrie du logiciel.
Seules les multinationales américaines ou japonaises peuvent
souhaiter bénéficier en Europe de brevets sur les logiciels
copiés sur le droit américain afin d'éliminer ou de
racheter tout ce que l'Europe compte de petits éditeurs de logiciels.
Il est donc probable que les autorités américaines ou japonaises
considèrent que l'existence de brevets sur les logiciels en Europe
est favorable à leurs intérêts nationaux dans la mesure
où ils leurs permettent un plus grand contrôle sur l'industrie
européenne du logiciel.
Face à cette vision géoéconomique du brevet, devenu
un instrument d'hégémonie, il convient également de
se rappeler que l'acceptation ou non des brevets sur les logiciels est
avant tout un arbitrage politique entre
-
Un modèle d'économie industrielle fondé sur des PME
innovantes et qui a fait ses preuves, y compris aux Etats-Unis au début
des années 80
-
Un modèle d'économie industrielle fondé sur des monopoles
qui ont fait la preuve de leur capacité à éliminer
l'innovation et à abaisser la qualité des logiciels mais
qui dans le même temps ont accru l'influence des Etats-Unis ou du
Japon sur certains segments de marché
Il n'est pas certain que les citoyens américains considèrent
que ce second modèle est le plus conforme à l'esprit de leur
constitution ou que les citoyens japonais, s'ils se penchent sur leur histoire
industrielle récente, refusent à d'autres ce qui leur a permis
de se développer : une conception de la propriété
intellectuelle favorable à l'économie..
Les brevets sur les logiciels vont-ils dans l'intérêts des
citoyens argentins, indiens, chinois, etc. ?
Dans ces pays, c'est le point de vue du consommateur ou de la petite entreprise
utilisatrice qui prime. Les brevets sur les logiciels sont contraires aux
intérêts des citoyens de ces pays.
Logiciels libres
Les brevets sur les logiciels menacent-ils les logiciels libres ?
La plupart des auteurs de logiciels libre commencent par publier le code
source de leur logiciel en autorisant son usage et sa copie libre. Il est
donc plus aisé de découvrir une contrefaçon dans sun
logiciel libre que dans un logiciel propriétaire. Par ailleurs,
les auteurs de logiciels libres commencent souvent par développer
leur produit de façon bénévole. En cas de succès,
une structure d'entreprise est montée pour en assurer le développement
durable.
Or, dans la phase de développement initial, les brevets peuvent
servir à bloquer la diffusion d'un logiciel libre, et donc son succès,
en menaçant son auteur de représailles juridiques. L'usage
des brevets peut donc servir à freiner considérablement le
développement des logiciels libres ou à le réserver
aux seules entreprises qui, comme IBM, possèdent suffisamment de
brevets pour se mettre à l'abris.
Un produit finlandais comme SSH, qui
utilise certains brevets de chiffrement et est devenu une référence
mondiale dans la sécurité sur Internet, n'aurait probablement
pas pu connaître un tel succès si, lors de sa diffusion initiale
par l'université technologique d'Helsinki, la brevetabilité
des logiciels en Europe en avait restreint sa diffusion sous forme propriétaire
et payante.
Par ailleurs, le processus de développement des logiciels implique
de nombreux programmeurs pas toujours clairement identifiés. Il
serait tout à fait possible à une société gênée
par un logiciel libre, comme Microsoft l'est aujourd'hui par Linux, d'y
faire introduire un brevet subrepticement afin de pouvoir attaquer par
la suite le logiciel en contrefaçon. Un tel scénario est
tout à fait possible. Microsoft a par exemple déposé
un brevet sur une partie de la norme HTML sans prévenir ses partenaires
du W3C chargés de la normalisation.
Les brevets sur les logiciels sont donc une arme efficace pour éliminer
les logiciels libres.
Qui doit-être responsable en cas de contrefaçon ?
La diffusion de logiciels contenant des brevets n'est envisageable que
si c'est l'utilisateur final qui est responsable en cas de contrefaçon.
En effet, la licence d'un logiciel libre accorde un droit de copie du code
source. SI l'utilisateur est responsable des contrefaçons, il n'y
a pas de problèmes de compatibilité avec le droit des brevets
: la copie du code source étant assimilable à une copie du
texte du brevet.
En revanche, si les diffuseurs de logiciels libres deviennent responsables
des contrefaçons, le principe même de libre copie du logiciel
libre et du développement coopératif est remis en cause.
Aucun hébergeur, éditeur de distribution ou revendeur n'acceptera
de diffuser un logiciel contenant d'éventuelles contrefaçons
introduites sciemment par la concurrence. La responsabilisation des diffuseurs
peut tuer les logiciels libres ou n'en réserver la diffusion qu'à
de grandes entreprises qui, comme IBM, possèdent une collection
de brevet suffisamment importante pour se protéger, ce qui est assimilable
à une entrave à la concurrence.
Voir sur ce sujet www.aful.org/presse/cp-altern.html
Que doit-on faire pour protéger les logiciels libres ?
Soit interdire les brevets sur les logiciels pour préserver les
logiciels libres et la concurrence dans l'industrie du logiciel au plus
grand profit des européens.
Soit définir des conditions d'application des brevets prenant
en compte les logiciels libres
-
droit d'usage libre des brevets dans les logiciels libres
-
non responsabilisation des diffuseurs
-
responsabilisation des utilisateurs, avec le cas échéant
un système de contrôle électronique d'usage des brevets
et de paiement
-
accès gratuit à la brevetabilité pour les auteurs
de logiciels libres (en prenant exemple sur le système japonais
de brevet qui permet de déposer une invention sans avoir à
payer et de ne payer qu'au lancement de la procédure de validation
du brevet, au plus 7 ans après le dépôt initial)
-
constitution de fonds publics de brevets pour la protection des auteurs
de logiciels libres dans un esprit de reconnaissance de leur apport à
l'industrie informatique
La notion de "droit d'usage libre des brevets dans les logiciels libres"
mérite d'être explicitée. Deux scénarios peuvent
être envisagés :
-
L'usage d'un brevet dans un logiciel libre ne constitue jamais une contrefaçon.
Ceci revient à assimiler tous les logiciels libres à des
expérimentations. Or, l'usage de brevets dans le cadre d'expériences
ou de travaux de recherche est souvent libre dans certains pays d'Europe
ou au Japon.
-
L'usage d'un brevet dans le code source d'un logiciel libre n'est pas une
contrefaçon mais la compilation d'un logiciel libre contenant un
brevet l'est éventuellement. Dans ce cas, afin d'éviter des
abus de position dominante, des systèmes de limite de tarification
doivent être envisagés pour éviter que des droits d'usage
élevés d'un brevet ne suppriment toute concurrence. On pourrait
par exemple calculer cette limite de droit d'usage selon des méthodes
proches au calcul fiscale du coût de revient.
Industrie
Que doit-on faire pour se protéger des brevets ?
Supposons que vous inventiez un procédé dans le domaine du
logiciel. 3 options d'offrent à vous :
-
déposer un brevet (100KF/an) et disposer des moyens pour le protéger
en cas de contrefaçon (250KF ou plus)
-
garder le procédé secret mais risquer alors de voir quelqu'un
d'autre le breveter et vous empêcher de l'utiliser ou d'en céder
un droit d'usage (plusieurs personnes ont les mêmes bonnes idées
au même moment)
-
publier le procédé afin de créer une antériorité
qui interdise tout dépôt de brevet par un concurrent
Seules la première et la troisième approche sont acceptables.
Pour une petite société ou un individu qui ne disposent pas
de moyens suffisants, la publication est la meilleure approche pour éviter
de se faire déposséder d'une idée. Une entreprise
qui dispose de moyens importants aura en revanche intérêt
à déposer des brevets dans les régions où ceux-ci
sont légaux car les brevets sur les logiciels permettent souvent
de se protéger contre une attaque en contrefaçon.
Que peut-on faire pour diminuer les côuts juridiques de l'industrie
du logiciel?
Pour se protéger dans les régions où les brevets sur
les logiciels sont légaux, il peut être judicieux de participer
à un fond commun de brevets ou de souscrire à une assurance
brevet. Ainsi, les petites entreprises ou les auteurs individuels de logiciels
peuvent bénéficier à moindre coût d'une protection
juridique efficace contre les attaques en contrefaçon. On abouti
alors à une environnement dans lequel tout le monde attaque tout
le monde sur les bases de brevets sur des procédé élémentaires.
Les avocats, assurances et bureaux de brevets en sont les seuls grands
bénéficiaires. Une telle situation n'est pas longtemps tenable
pour l'industrie du logiciel.
Dans un tel système, il serait tout à fait légitime
d'exiger soit la gratuité du dépôt de brevet (notion
de service public à l'ancienne) ou de d'exiger la mise en concurrence
de multiples organismes privés aptes à délivres des
brevets (notion moderne du service public) afin de favoriser des formes
économiques de dépôt de brevet.
Par ailleurs, la publication de nombreux procédés fondamentaux
et de logiciels libres permet de constituer une base de savoirs communs
librement réutilisables et de désactiver ainsi les tentatives
de juridicisation excessive du système. Par exemple, grâce
aux nombreuses publications de chercheurs qui créent ainsi une base
d'antériorité, la plupart des procédés liées
aux systèmes d'exploitation ne sont plus brevetables. Ceci garantit
à Linux et aux autres OS libres une bonne sécurité
juridique.
Pourquoi le logiciel est-il différent des autres industries ?
Le logiciels présente des caractéristiques uniques par rapport
à des industries comme la pharmacie :
-
Un individu seul peut inventer un nouveau procédé en quelques
secondes, le mettre en oeuvre en quelques mois et en faire un succès
mondial en moins d'un an grâce à Internet. C'est un peu comme
si tous les artisans du monde avaient accès à un marché
mondial et faisaient la concurrence aux grands industriels.
-
les coûts de développement sont faibles par rapport aux coûts
de marketing
-
les coûts de production sont quasi-nuls
-
le cycle de vie des produits est très court (2 ans)
-
l'innovation est nécessaire pour survivre
-
l'industrie du logiciel est une industrie de monopoles naturels (rendements
croissants, normes propriétaires, etc.) dans laquelle les seuls
instruments de régulation sont les logiciels libres
-
un logiciel met en oeuvre des dizaines de milliers de procédés
élémentaires (et non quelques procédés majeurs
comme dans un médicament)
-
dans le cas des logiciels libres, le développement est fait par
des milliers de développeurs pas toujours clairement identifiés
-
un logiciel est assimilable à un procédé dans l'exercice
d'activités intellectuelles
-
les procédés d'un logiciel sont analysables dès que
le logiciel est publié
Toutes ces caractéristiques en font une industrie différente
de celles pour lesquelles le brevet a été conçu dans
un soucis d'intérêt général. Les brevets ont
en effet été inventé initialement pour garantir la
publication des inventions et sont sensé depuis plus récemment
stimuler l'innovation.
Mais l'usage du brevet dans l'industrie du logiciel tend à favoriser
les grands éditeurs de logiciels au détriment des petits
acteurs innovants et des utilisateurs de logiciels libres. Les brevets
sur les logiciels accélèrent la constitution de monopoles
tout en asséchant l'innovation et la concurrence. .
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