Les Echos n° 17.918 du Vendredi 11
et samedi 12 juin 1999, p. 22
COMMUNICATION
MULTIMÉDIA
Agacée par la floraison des offres gratuites, la
filiale de Lagardère martèle que «
l'Internet
a un prix ». Club Internet s'apprête en revanche
à défier France Télécom en
proposant
un forfait permettant de diviser par trois la facture
téléphonique de ses abonnés.
Club Internet part en guerre
contre l'Internet gratuit
Internet a un prix », martèle depuis des
semaines Fabrice Sergent, pour qui l'Internet « dit
gratuit » est surtout « une initiative marketing
» doublée « d'un abus de langage » :
« Ces offres ne sont en fait valables que douze mois,
et en plus le vrai problème celui du prix de
la consommation téléphonique, qui
représente 70 % de la facture Internet totale
reste entier pour le consommateur », assène le
patron de Club Internet. Agacé par la «
vraie-fausse promesse des nouveaux entrants » (Liberty
Surf, World Online, Lokace Online...), le fournisseur
d'accès contrôlé par Grolier Interactive
(Lagardère) a donc décidé de lancer une
véritable contre-attaque sur le terrain «
légitime » de la facture
téléphonique.
Le tout récent arbitrage rendu par l'Autorité
de régulation des télécommunications
(ART) sur le « forfait Internet » imbattable
envisagé par France Télécom 100
francs pour 20 heures de communication
téléphonique dédiées à
Internet (« Les Echos » du 1er juin) lui en
a fourni l'occasion. En substance, le gendarme des
télécoms a autorisé les
opérateurs de téléphone concurrents de
France Télécom à proposer, eux aussi,
aux fournisseurs d'accès Internet ce forfait à
prix cassé qui réduit la communication
à 5 francs par heure, contre 12 à 17 francs
actuellement (en fonction des créneaux horaires).
Club Internet a donc décidé de s'engouffrer
dans la brèche sans attendre : 5.000 de ses
abonnés en région parisienne vont pouvoir
« tester », à partir du 1er juillet, un
forfait « téléphone-Internet »
à 177 francs par mois baptisé «
Transparence » : il inclura l'abonnement normal
à 77 francs et ce fameux forfait à 100 francs
les 20 heures de connexion Internet.
Associé à Kertel
Club Internet, qui a acheté ces
précieuses heures de communication à prix
réduit à l'opérateur alternatif Kertel
(filiale de Pinault-Printemps-Redoute), promet ainsi «
de diviser par trois » la facture
téléphonique de ses abonnés. Cette
formule est a priori plus avantageuse pour l'utilisateur que
20 heures d'Internet gratuit au prix du
téléphone normal, qui reviendraient entre 240
et 340 francs par mois. Selon Fabrice Sergent, il s'agit
« de favoriser le développement de l'utilisation
d'Internet en France » (10 heures par mois en moyenne),
pour se rapprocher du modèle américain (30
heures par mois) où l'abonné paye un forfait
de communication locale à 20 dollars, sans se soucier
de la durée de connexion.
Ce « test » est destiné à être
généralisé aux quelque 280.000
abonnés de Club Internet, « si les conditions le
permettent ». En clair, si France
Télécom, qui est lui-même
opérateur du service Wanadoo (550.000
abonnés), se décide à son tour à
lancer ce forfait, en faisant chuter au passage le prix de
la minute de communication locale pour tous les
opérateurs. Fabrice Sergent reconnaît en effet
qu'au tarif actuel, l'opération menée avec
Kertel sur 5.000 abonnés représente « un
investissement de plusieurs millions de francs » sans
marge. En attendant, le service de Lagardère promet
déjà pour la rentrée « une gamme
complète de solutions tarifaires » allant du
forfait « abonnement + téléphone Internet
», à l'accès libre sans abonnement et
payable à la consommation.
Pour Fabrice Sergent, « la baisse du prix des
communications Internet est aujourd'hui le meilleur moyen de
faire décoller le marché français
» (1,2 million d'utilisateurs payants selon
l'Association des fournisseurs d'accès). «
L'Internet gratuit n'est pas un modèle
économiquement viable », assure-t-il : «
Pour l'heure, c'est un échec, seuls 150.000 comptes
ont été ouverts. » En attendant, Fabrice
Sergent a décidé de ne pas faire de cadeau aux
promoteurs du gratuit : Club Internet vient d'assigner en
justice Liberty Surf (Darty) pour « plagiat » de
sa hot line d'assistance aux abonnés...
JEAN-CHRISTOPHE FÉRAUD
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