Avis n° 99-289 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 21 mai 1999 sur la décision tarifaire de France Télécom n° 99042 E relative à la nouvelle option tarifaire " forfait Internet "

L'Autorité de régulation des télécommunications,

Vu le code des postes et télécommunications, et notamment son article L. 36-7 ;

Vu l'article 17 du cahier des charges de France Télécom approuvé par le décret n° 96-1225 du 27 décembre 1996 ;

Vu la décision n° 97-365 de l'Autorité en date du 23 octobre 1997 dédiant le bloc de numéros non géographiques 0860PQMCDU à certains services d'accès à Internet ;

Vu la demande d'avis de France Télécom reçue le 23 février 1999 ;

Vu les éléments d'information complémentaires fournis par France Télécom les 8, 12, 19, 23, 26 et 30 mars, ainsi que les 4 et 10 mai 1999 ;

Après en avoir délibéré le 21 mai 1999,

1. LE CONTEXTE

Le 16 décembre 1998, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le secrétaire d'Etat à l'industrie ont saisi l'Autorité afin que celle-ci engage une réflexion " dans la perspective d'améliorer les conditions tarifaires de l'accès à Internet ".

Le 26 janvier 1999, l'Autorité a réuni, dans le cadre de cette mission, des opérateurs de télécommunications, en particulier France Télécom, des fournisseurs d'accès à Internet, des industriels, des associations d'utilisateurs résidentiels et professionnels, et des représentants des ministères intéressés et du Conseil de la concurrence.

A l'issue de cette réunion, l'Autorité a notamment indiqué que la nécessité d'améliorer à court terme la tarification de l'accès à Internet ne dispensait nullement de rechercher et proposer des solutions structurelles favorables à moyen terme aux utilisateurs : le développement de la concurrence sur la boucle locale est indispensable pour diminuer les tarifs, améliorer la qualité et diversifier l'offre. Depuis lors, l'Autorité a lancé une consultation publique concernant la concurrence sur la boucle locale.

L'Autorité a également souhaité que, dans l'immédiat, des propositions tarifaires soient formulées par France Télécom pour répondre aux besoins du plus grand nombre des internautes : forfaits donnant droit, chaque mois, à un nombre déterminé d'heures de connexion et modulation adaptée aux usages selon les jours et les horaires. Elle a indiqué que, parallèlement, pour permettre aux autres opérateurs d'intervenir sur ce marché, les tarifs d'interconnexion, en particulier ceux correspondants à la tranche de numéros 086 destinés à l'accès à Internet, devraient être compatibles avec les tarifs de détail.

Le 23 février 1999, l'Autorité a reçu de la part de France Télécom, une demande d'avis sur une décision tarifaire ayant pour objet de créer une nouvelle option tarifaire dénommée " forfait Internet ", sur laquelle porte le présent avis.

Le 12 mars 1999, elle a réuni une nouvelle fois les acteurs concernés afin de recueillir leurs commentaires sur cette proposition de forfait de France Télécom.

Depuis lors, de nombreux échanges avec France Télécom ont permis de mieux appréhender le forfait proposé par France Télécom et les conditions permettant d'assurer la fourniture aux clients d'offres diversifiées, dans le respect des règles de concurrence. L'apparition des services d'accès à Internet sans abonnement a également pu être prise en compte dans cette réflexion.

2. OBJET DE LA DECISION TARIFAIRE

L'option " forfait Internet " proposée par France Télécom s'applique sur une ligne analogique faisant l'objet d'un abonnement principal ordinaire en France métropolitaine et dans les DOM.

Elle permet, moyennant le paiement d'un abonnement de 100 francs TTC par mois, de bénéficier d'un forfait de 40 heures de communications par bimestre, passées à certaines heures et à destination de 1, 2 ou 3 fournisseurs de services Internet privilégiés.

Sont concernés les fournisseurs de services Internet accessibles par un numéro strictement compris dans la liste suivante : 08 36 01 13 13, 08 36 01 93 01, 08 36 06 13 1U, 08 36 01 93 DU, 08 36 01 30 13, 08 36 01 14 14, ainsi que les fournisseurs de services Internet accessibles par un numéro situé dans la zone locale élargie (zone de tarification locale) de l'abonné et desservant des lignes gérées par France Télécom.

Les horaires de connexion concernés sont les suivants : les lundi, mardi, jeudi et vendredi, de 18 heures au lendemain 8 heures ; le mercredi de 14 heures au lendemain 8 heures ; le week-end du samedi 8 heures au lundi 8 heures ; les jours fériés, toute la journée.

En France métropolitaine, l'abonnement au service donne accès, via un numéro gratuit, à un serveur vocal qui annonce l'état de consommation du forfait.

Sur une même ligne téléphonique, l'option forfait Internet est compatible avec Primaliste, Forfait local ou Temporalis : si un client a souscrit à une de ces options, les communications se verront appliquer la remise forfait Internet tant que le forfait d'heures ne sera pas atteint ; une fois celui-ci atteint, les communications seront soumises à l'option tarifaire souscrite. Elle est également compatible avec Primaliste Internet : pour un client qui serait abonné à la fois au forfait Internet et à Primaliste Internet, les communications passées entre 22 heures et 8 heures bénéficient de la réduction Primaliste Internet, et celles passées aux autres heures d'application du forfait bénéficient de la réduction du forfait.

Les heures de forfait non utilisées lors d'un bimestre ne peuvent pas être reportées sur le bimestre suivant. Une même ligne téléphonique ne peut bénéficier que d'une seule option forfait Internet.

3. ANALYSE DE L'AUTORITE SUR LES LIMITATIONS PROPOSEES PAR FRANCE TELECOM

Comme indiqué au §2, France Télécom propose que le forfait Internet ne donne accès qu'à des fournisseurs de services Internet (ISP 1) qui sont :

- soit raccordés directement au réseau de France Télécom, c'est-à-dire qui sont accessibles par des numéros géographiques (2) correspondant à des lignes gérées par France Télécom ;

- soit raccordés au réseau de transport IP de Transpac, c'est-à-dire accessibles par un numéro compris dans la liste limitative de numéros non géographiques à 10 chiffres commençant par 08 36 citée au §2.

3.1. La limitation concernant les numéros géographiques

Aujourd'hui, de nombreux ISP sont raccordés directement au réseau local de France Télécom, mais, dans les zones où de nouveaux opérateurs ont commencé à déployer une infrastructure, certains ISP sont raccordés aux réseaux de ces opérateurs. La proposition de France Télécom exclut les communications à destination de tels ISP du bénéfice du forfait.

Lorsqu'un ISP est desservi par un opérateur tiers, c'est-à-dire quand il est accessible par un numéro géographique attribué à un tel opérateur, l'appel est alors d'abord acheminé par France Télécom, puis par l'opérateur desservant l'ISP.

L'acheminement d'un appel de ce type implique que France Télécom reverse à l'opérateur tiers une charge de terminaison d'appel. France Télécom semble souhaiter exclure un tel ISP du bénéfice du forfait afin d'éviter les situations dans lesquelles ce que lui coûterait l'acheminement de la communication à destination de l'ISP, y compris le montant reversé à l'opérateur tiers, serait supérieur à ce qu'elle facturerait à son client final, c'est-à-dire la recette moyenne qu'elle percevrait sur le marché en cause.

Le montant versé à l'opérateur tiers, c'est-à-dire le tarif d'interconnexion directe de cet opérateur, est le résultat d'une négociation entre France Télécom et cet opérateur. Pour les opérateurs qui ne sont pas inscrits sur la liste des opérateurs exerçant une influence significative sur le marché, le code des postes et télécommunications prévoit simplement (article D. 99-10) que leurs tarifs d'interconnexion " ne doivent pas conduire à imposer indûment aux opérateurs utilisant l'interconnexion des charges excessives ".

Il n'appartient pas à l'Autorité de se prononcer sur le niveau de ces tarifs d'interconnexion dans le cadre du présent avis ; elle y sera amenée dans le cadre d'une procédure de règlement de différend actuellement en cours d'instruction.

Le présent avis porte sur les tarifs de détail de France Télécom pour les communications au départ de sa boucle locale et à destination des ISP.

Le principe que l'Autorité retient concernant ces tarifs est le suivant : les offres de France Télécom pour les communications d'accès à Internet au départ de son réseau, et notamment leurs tarifs, ne doivent pas comporter d'élément discriminatoire selon que l'acheminement est entièrement assuré par France Télécom jusqu'à l'ISP ou qu'il l'est à travers un opérateur tiers desservant l'ISP.

Toute discrimination de ce type comporterait des risques concurrentiels importants.

En particulier, dans le cas des numéros géographiques, l'Autorité estime que les appels se terminant sur des réseaux différents ne doivent pas faire l'objet de tarifs de détail différents.

Il appartient à France Télécom, si elle estimait que le montant demandé par un opérateur tiers donné était excessif compte tenu de ses tarifs de détail, de rechercher un accord avec cet opérateur dans le cadre des négociations bilatérales d'interconnexion.

Interrogée sur cette question des numéros géographiques des opérateurs tiers, France Télécom a indiqué qu'elle souhaite que l'acheminement du trafic d'accès à Internet sur des numéros géographiques soit supprimé, qu'il s'agisse de numéros géographiques gérés par un opérateur tiers ou par elle-même ; elle estime en effet que seuls les numéros non géographiques permettront aux opérateurs de mettre en œuvre des acheminements véritablement efficaces et donc des baisses de coûts et de prix en matière d'accès à Internet.

L'Autorité rappelle qu'elle a défini, par sa décision n° 97-365 susvisée, une tranche de numéros non géographiques réservée pour l'accès à Internet (numéros en 0860). Elle est en effet d'avis que les numéros non géographiques permettent à la fois des acheminements plus efficaces, plus de liberté tarifaire pour les opérateurs et une meilleure visibilité pour les clients. La fourniture de services d'accès à Internet sur des numéros non géographiques doit donc être rendue possible.

Mais la demande formulée par France Télécom de migration de l'ensemble des services d'accès à Internet vers des numéros non géographiques, s'accompagnant donc de la suppression des numéros géographiques, est une question différente et nouvelle. Elle devra être étudiée avec attention, en concertation avec l'ensemble des acteurs de l'accès à Internet, dont notamment les autres opérateurs et les ISP.

En conclusion, tant que France Télécom fournit elle-même l'accès à Internet sur des numéros géographiques, il n'est pas envisageable que France Télécom propose une offre telle que le forfait Internet en excluant les appels à destination des numéros géographiques des autres opérateurs : les ISP accessibles par des numéros géographiques doivent donc tous être accessibles dans le forfait, quel que soit l'opérateur qui gère leur ligne.

Ceci implique la modification suivante à apporter dans la décision tarifaire n° 99042 E de France Télécom : supprimer, au 2ème alinéa du §B458, l'expression : " et desservant des lignes gérées par France Télécom ".

3.2. La limitation à Transpac comme seul transporteur de données IP

L'Autorité considère que le développement d'une concurrence effective sur le marché du transport national IP (les " backbones " nationaux) est un élément essentiel afin de garantir une pluralité des offres aux consommateurs et aux ISP.

Or, France Télécom propose de limiter le bénéfice du forfait aux numéros d'ISP utilisant les services de Transpac. Une telle limitation constituerait un abus de position dominante, France Télécom utilisant sa position de quasi-monopole sur la boucle locale pour imposer aux ISP d'utiliser les services de sa filiale. Elle ne peut donc être acceptée.

Le forfait Internet proposé par France Télécom, comme l'ensemble de ses options tarifaires, doivent pouvoir bénéficier aux communications d'accès à Internet à destination de l'ensemble des ISP accessibles via des numéros non géographiques, lorsque ces ISP et les opérateurs de transport IP le souhaitent.

Ceci implique la modification suivante à apporter dans la décision tarifaire n° 99042 E de France Télécom : ajouter, au 2ème alinéa du §B458, la phrase suivante : " Bénéficient également du forfait Internet les communications vers les numéros non géographiques d'accès à Internet attribués à des opérateurs tiers lorsque ces opérateurs souhaitent que leur service soit facturé par France Télécom au tarif des communications locales d'accès à Internet de France Télécom y compris les options tarifaires ".

4. LA NECESSITE QUE FRANCE TELECOM FOURNISSE UN SERVICE D'INTERCONNEXION INDIRECTE

Les communications d'accès à Internet empruntent en premier lieu le réseau téléphonique local de France Télécom, puis sont acheminées sur des réseaux de transport de données IP. Une architecture efficace qui devrait apparaître rapidement est celle dans laquelle les commutateurs du réseau de transport IP des différents opérateurs sont interconnectés directement au réseau local de France Télécom.

Afin que les différents opérateurs puissent effectivement proposer aux clients finals et aux ISP des offres différenciées sur le marché de l'accès à Internet, France Télécom doit leur fournir sans délai un service d'interconnexion indirecte pour l'acheminement des communications d'accès à Internet.

Dans un schéma d'interconnexion indirecte, France Télécom assure pour le compte de ces opérateurs la prestation de collecte du trafic, et ces opérateurs établissent librement leurs offres de détail. Ils déterminent ainsi les tarifs de ces offres, et peuvent notamment proposer des offres concurrentes du forfait Internet.

L'interconnexion indirecte est prévue au catalogue d'interconnexion 1999 de France Télécom ; mais le catalogue, dans sa version actuelle, ne s'applique pas sur ce point aux communications à destination des numéros en 0860 dédiés par l'Autorité à l'accès à Internet : aujourd'hui, il contient d'une part un tarif d'interconnexion indirecte applicable au service téléphonique (le tarif moyen du service " simple transit " correspondant est de 10,2 centimes par minute), et d'autre part un tarif d'interconnexion indirecte applicable aux services spéciaux, égal au précédent plus 1 centime par minute. Ni l'une ni l'autre de ces deux conditions d'interconnexion figurant au catalogue n'est aujourd'hui applicable au trafic Internet.

Or, l'Autorité rappelle que dans sa décision n° 98-MC-03 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par l'AFOPT concernant une offre de France Télécom pour l'accès à Internet des établissements scolaires, le Conseil de la concurrence a conclu que France Télécom est dans l'obligation de proposer, parallèlement à son offre de détail, une offre d'interconnexion non discriminatoire permettant à tous les opérateurs de transport IP de bâtir leurs propres offres de détail.

Concernant le forfait Internet, compte tenu des forts enjeux liés à la commercialisation d'une telle offre qui est susceptible de permettre un fort développement du marché, l'Autorité ne peut rendre un avis favorable sur cette offre qu'à la condition que France Télécom fournisse une offre d'interconnexion indirecte non discriminatoire permettant aux exploitants de réseaux ouverts au public concurrents de bâtir des offres de détail équivalentes.

Cette offre résultera, pour l'année 1999, de la simple extension aux communications à destination des numéros non géographiques d'accès à Internet de l'offre existante d'interconnexion indirecte applicable au service téléphonique. Les tarifs de cette offre doivent dès lors être ceux de l'offre d'interconnexion indirecte applicable au trafic téléphonique, sans majoration services spéciaux, tels que figurant page 32 du catalogue d'interconnexion 1999 destiné aux exploitants de réseaux ouverts au public.

L'ajout d'une majoration services spéciaux serait incompatible avec l'économie actuelle de l'accès à Internet en France et, a fortiori, avec une amélioration des conditions tarifaires :

- sur la base des tarifs actuels de France Télécom, résultant d'options tarifaires telles que Primaliste Internet, Forfait local, Numéris Itoo ou Avantage Numéris Internet, cette majoration conduirait à un effet de ciseau à l'encontre des opérateurs interconnectés, et les exclurait du marché ;

- de plus, elle représenterait pour les acteurs du marché, et donc in fine pour les consommateurs, un surcoût de 10% (soit, pour 20 heures de communications, environ 14 francs TTC supplémentaires).

Dans un contexte où les pouvoirs publics souhaitent favoriser une baisse des tarifs d'accès à Internet, l'Autorité ne peut admettre un tel surcoût.

5. ANALYSE DE L'AUTORITE SUR LE NIVEAU TARIFAIRE DU FORFAIT INTERNET

La présente partie traite du niveau tarifaire du forfait proposé par France Télécom. Elle compare tout d'abord ce niveau aux tarifs existants en France et aux tarifs observés à l'étranger. Puis elle analyse la recette moyenne que France Télécom pourra retirer des clients du forfait au regard des coûts de France Télécom, et au regard des coûts d'un opérateur tiers fournissant un service d'accès à Internet en achetant à France Télécom le service d'interconnexion indirecte défini au §4 ci-dessus.

5.1. Comparaison du forfait Internet par rapport aux tarifs existants

Aujourd'hui, les tarifs de France Télécom pour les communications d'accès à Internet varient selon les heures et les options tarifaires choisies par les clients.

Le tarif de base des communications locales est de 0,28 franc TTC par minute en heures pleines (de 8 heures à 19 heures du lundi au vendredi) et de 0,14 franc TTC par minute en heures creuses (autres plages horaires, et tout le week-end). Les trois premières minutes sont dans tous les cas facturées au tarif indivisible de 0,74 franc TTC.

Le forfait proposé est particulièrement attractif par rapport aux offres existantes :

- en niveau apparent : le prix de 5 francs TTC de l'heure (100 francs pour 20 heures) est très inférieur aux tarifs de base (16,68 francs en heures pleines et 8,71 francs en heures creuses) ainsi qu'aux prix obtenus avec les options tarifaires classiques (en heures creuses : 6,97 francs avec Primaliste et 6,62 francs avec Temporalis, moyennant des abonnements de 15 francs par mois). Il est également inférieur au prix de Numéris Itoo (5,23 francs en heures creuses, avec un abonnement de 169 francs par mois) ;

- en durée : le prix obtenu est identique à celui du forfait local, mais ce dernier n'offre que 6 heures de connexion par mois, ce qui est insuffisant pour de très nombreux internautes ;

- en plages horaires : le prix obtenu avec l'option Primaliste Internet est de 4,35 francs par heure, mais il n'est valable qu'entre 22 heures et 8 heures ;

- en mode de tarification : le forfait est décompté à la seconde dès la première seconde alors que généralement, et notamment avec Primaliste Internet, le client paie un crédit temps équivalent à 3 minutes de communication. Ce point est important concernant certains usages d'Internet, tels que la consultation d'une boîte aux lettres, générant des appels courts.

Par ailleurs, le forfait proposé, comportant un nombre élevé d'heures et offrant au client la possibilité de connaître à tout instant l'état de sa consommation, est " rassurant " pour le client : comme sur le marché des mobiles, l'introduction par les opérateurs de ce type de forfaits sur le marché de l'accès à Internet devrait avoir un effet très positif sur le développement du marché.

Ainsi, par rapport aux offres existantes, le forfait proposé se caractérise par un tarif plus bas et un confort d'utilisation plus important.

5.2. Les comparaisons internationales

L'Autorité a cherché à comparer les tarifs existant en France, ainsi que le forfait proposé par France Télécom, aux tarifs existants dans les autres pays d'Europe. A cette fin, elle a recueilli les données concernant les tarifs de base et les options tarifaires applicables au trafic d'accès à Internet dans ces pays, et a évalué le coût de 20 heures de connexion sur la base de ces différents tarifs et d'une répartition des connexions sur les différentes plages horaires (mercredi après-midi, début de soirée en semaine, fin de soirée en semaine, week-end). Le tableau ci-après présente les résultats de cette étude.

Ce tableau tend à confirmer que les tarifs français actuels sont plus chers que ceux existant dans la plupart des autres pays européens. Toutefois, ceci n'est sensible qu'en dehors des plages horaires d'application de l'option tarifaire Primaliste Internet, et notamment en début de soirée et le week-end.

Ce tableau montre également que le niveau de 100 francs TTC proposé par France Télécom pour 20 heures est, lui, inférieur de 27% à la moyenne européenne.
Pays
Prix du panier mensuel

de 20 heures
Allemagne
154
Autriche
206
Belgique
147
Danemark
148
Espagne
136
Finlande
180
France (tarifs existants)
182
Irlande
89
Italie
63
Norvège
141
Pays-Bas
147
Portugal
71
Royaume-Uni
147
Suède
113
Moyenne
137

En francs TTC (change en PPA)

5.3. Le marché visé par le forfait et la recette moyenne

A partir d'un modèle de répartition de la consommation des internautes calé sur les données de consommation fournies par France Télécom, l'Autorité a cherché à évaluer le marché visé par le forfait ainsi que la recette moyenne que tirerait France Télécom des clients de cette offre.

Compte tenu des tarifs des communications d'accès à Internet auxquels les internautes peuvent avoir accès en dehors du forfait, il apparaît que les clients pouvant trouver un intérêt financier à s'abonner au forfait sont ceux se connectant plus de 13 heures par mois (soit environ 11,5 heures par mois aux heures du forfait).

Selon le modèle de l'Autorité, cette " cible " représente un peu moins de 15% des internautes, mais près de la moitié du trafic Internet total, soit probablement, en 1999, plus de 5 milliards de minutes et un chiffre d'affaires annuel de communications de l'ordre de 500 millions de francs.

La recette moyenne qui résultera des clients du forfait sera la somme du prix du forfait et des recettes tirées des communications d'accès à Internet hors forfait ; ces dernières correspondent d'une part à la consommation en dehors des plages horaires d'application du forfait et d'autre part à la consommation pendant ces plages horaires, mais après dépassement du forfait, pour les internautes qui le dépassent.

Le prix du forfait est de 83 francs HT. S'y ajoutent les recettes tirées des communications d'accès à Internet hors forfait. Deux grands types de clients du forfait peuvent être distingués :

- ceux qui n'utilisent pas totalement le forfait. Les recettes qu'ils génèrent sont le prix du forfait auquel s'ajoute les recettes tirées des connexions à Internet en dehors des plages horaires du forfait ;

- ceux qui consomment plus que le forfait. Ils paient le prix du forfait et les communications Internet en dehors des plages du forfait, plus celles aux plages horaires du forfait après dépassement. Il a également été tenu compte du fait que l'option Primaliste Internet est prioritaire sur le forfait dans sa plage horaire (entre 22 heures et 8 heures), et que les clients consommant plus de 24 heures par mois aux heures du forfait ont donc intérêt à s'abonner à la fois au forfait et à Primaliste Internet.

Au total, compte tenu de la recette moyenne des communications d'accès à Internet des résidentiels d'une part aux heures pleines (donc hors des plages horaires d'application du forfait), et d'autre part aux heures du forfait (le cas échéant, après dépassement du forfait), la recette moyenne tirée par l'opérateur des clients du forfait peut être évaluée à 145 francs HT par mois pour un trafic total moyen de 23,8 heures, soit 0,101 FHT/min.

5.4. Le coût pour France Télécom

Le coût moyen d'une minute de communication d'accès à Internet comprend notamment, outre les coûts d'usage du réseau, des coûts commerciaux.

La méthode particulière proposée par France Télécom dans les comptes prévisionnels présentés à l'occasion de la décision tarifaire consiste à considérer que les coûts commerciaux sont proportionnels au chiffre d'affaires. L'Autorité relève que cette méthode n'est pas satisfaisante. Les seules informations transmises par France Télécom ne permettent pas à cet instant à l'Autorité de disposer d'un chiffrage fiable de ces coûts ; l'Autorité sera amenée à poursuivre ses travaux sur l'évaluation des coûts commerciaux.

Par ailleurs, les clients du forfait pouvant accéder gratuitement à un service d'information sur l'état de la consommation, il convient de tenir compte des coûts correspondants. Enfin, il convient de prendre en compte le fait que chaque minute de trafic de France Télécom, comme les minutes de trafic des autres opérateurs, contribue au coût du service universel.

La recette moyenne apparaît cohérente avec les coûts de France Télécom lorsque l'on retient l'évaluation des coûts commerciaux particulière proposée par France Télécom.

5.5. Les conditions d'entrée sur le marché

La fourniture par France Télécom d'une offre d'interconnexion indirecte permettra aux opérateurs interconnectés à son réseau de proposer des offres différenciées aux consommateurs et aux ISP.

Les paragraphes suivants présentent le modèle économique de la fourniture d'un service d'accès à Internet par un opérateur utilisant cette offre d'interconnexion indirecte de France Télécom, afin de vérifier qu'un tel opérateur pourrait entrer sur le marché, c'est-à-dire fournir un service à un tarif équivalent au forfait Internet dans des conditions économiques acceptables.

a) Les revenus d'un opérateur sur le marché des communications d'accès à Internet

Un opérateur fournissant des communications d'accès à Internet tire des revenus du client final, qui paie le prix d'une communication téléphonique d'accès à Internet.

L'Autorité écarte, dans le cadre de la présente modélisation, les deux situations suivantes :

- celle où l'opérateur tirerait des revenus supplémentaires des ISP raccordés à son réseau, auxquels il ferait payer son service de transport IP. En effet, cette situation semble peu compatible avec les évolutions actuelles, qui tendent plutôt à ce que les opérateurs rémunèrent les ISP ;

- celle où l'opérateur rémunère les ISP raccordés à son réseau. En effet, elle n'est pas compatible avec la recette moyenne d'environ 10 centimes par minute évaluée précédemment issue des clients d'une offre telle que le forfait Internet, cette recette moyenne ne pouvant pas suffire à couvrir les coûts du trafic téléphonique et du transport national IP, et au surplus une rémunération des ISP.

Dans le cadre du test d'effet de ciseau tarifaire réalisé pour le forfait, l'Autorité a donc retenu une relation économique neutre entre l'opérateur et l'ISP : les recettes de l'opérateur se limitent à la vente du trafic, sa recette moyenne étant d'environ 10 centimes par minute.

b) Les coûts de l'opérateur tiers interconnecté

Les coûts d'un opérateur interconnecté fournissant des communications d'accès à Internet sont de quatre grands types : coûts d'interconnexion, coûts du réseau de l'opérateur, coûts commerciaux et coûts communs.

Les paiements d'interconnexion de l'opérateur à France Télécom pour sa prestation de collecte du trafic d'accès à Internet correspondent aux liaisons de raccordement, aux BPN, à la rémunération additionnelle de service universel, et au tarif d'interconnexion par minute. Les tarifs applicables au trafic d'accès à Internet sont ceux figurant page 32 du catalogue d'interconnexion 1999 de France Télécom.

La répartition du trafic entre interconnexion aux CAA et aux PRO est un élément de modulation important de ces coûts d'interconnexion. La répartition retenue par l'Autorité, soit 20% aux CAA et 80% aux PRO, prend en compte deux principes essentiels, qui sont contradictoires à ce stade du déploiement des réseaux des nouveaux opérateurs : le réalisme (tenir compte de l'état effectif de développement de ces réseaux afin de ne pas fermer le marché de facto) et l'efficacité (une interconnexion au niveau des PRO n'est pas souhaitable à terme : le trafic Internet doit être transformé en flux IP au plus près des abonnés).

Par ailleurs, les coûts de réseau et commerciaux de l'opérateur sont modélisés : le réseau de l'opérateur comprend notamment des commutateurs, des passerelles (NAS) transformant les communications téléphoniques en flux de données IP, et des artères de transmission longue distance ; les coûts commerciaux soulèvent la même difficulté que dans le cas de France Télécom. Enfin, les coûts communs sont pris égaux à ceux de France Télécom.

c) Synthèse

L'Autorité a placé ses évaluations dans la perspective de la dynamisation attendue du marché de l'accès à Internet, et donc d'une baisse des coûts liée à des améliorations de productivité et d'architecture ainsi qu'à la hausse des volumes de trafic. Cette amélioration des coûts se traduira notamment par une baisse des tarifs d'interconnexion de France Télécom et par des modalités d'interconnexion plus efficaces.

Dans cette perspective dynamique, un opérateur interconnecté devrait être en mesure de proposer des tarifs de détail équivalents au " forfait Internet ".

6. CONCLUSION

L'Autorité émet un avis favorable sur la proposition de forfait Internet de France Télécom à la condition expresse qu'elle soit modifiée, de la manière indiquée aux §3.1 et §3.2 ci-dessus, afin de n'exclure du bénéfice du forfait aucun des ISP accessibles aujourd'hui par des numéros géographiques, y compris les numéros géographiques attribués à des opérateurs tiers, ni aucun des ISP accessibles par des numéros non géographiques attribués à des opérateurs tiers, lorsque ces opérateurs tiers souhaitent que leur service soit facturé par France Télécom au tarif des communications locales d'accès à Internet de France Télécom y compris les options tarifaires.

Cette position de l'Autorité impose également que France Télécom fournisse sans délai une offre d'interconnexion indirecte permettant la collecte des communications d'accès à Internet vers les numéros non géographiques des opérateurs tiers, conformément aux dispositions du §4 ci-dessus.

Le présent avis sera transmis d'une part au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et d'autre part au secrétaire d'Etat à l'industrie, transmis pour information à France Télécom et mentionné au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 21 mai 1999.

Le Président

Jean-Michel Hubert

(1) Le sigle ISP (Internet Service Provider) est utilisé dans la suite pour désigner les fournisseurs de services Internet.
(2) Numéros de téléphone ordinaires à dix chiffres commençant par 01, 02, 03, 04 ou 05.


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