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L'avenir des systèmes de satellites eu ropéens vu par le directeur général de la Société Européenne de Satellite


98/05/05

Le Luxembourg à l'assaut des constellations

+ La SES, qui exploite sept satellites Astra, a dégagé un milliard de francs de profit en 1997. + Dix ans après le lancement de son premier satellite de télévision, la SES se prépare au formidable défi du multimédia par satellite.

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    @@ La Tribune @@ Lorsqu'en 1985 le Luxembourg décide de se lancer dans la télévision par satellite, l'audiovisuel sort à peine de la préhistoire. En France, la gestation de Canal+ se passe dans la douleur, TF1 demeure le vaisseau amiral du service public et l'avenir de Télédiffusion de France (TDF), qui gère les réseaux de télédiffusion, s'apparente à l'éternité. Le tandem franco-allemand craque : un moment partenaires dans la mise au point d'une norme D2-MAC de télévision haute définition, la France et l'Allemagne se séparent lorsque Bonn décide de rallier Astra et, à l'époque, Rupert Murdoch. Quelques années plus tard, l'irruption du numérique a balayé la quiétude du secteur et permis à la SES, l'exploitant de la flotte des sept satellites Astra, de dégager 1 milliard de francs de profit en 1997, pour 2,9 milliards de chiffre d'affaires. Avec quelque 300 chaînes transmises en modes analogique et numérique et diffusées par ses satellites, Astra est désormais présent dans 70 millions de foyers, soit directement grâce à de petites antennes paraboliques, soit via le câble. Mais si le développement de la télévision numérique donne le vertige aux éditeurs de chaînes et aux détenteurs de bouquet, il laisse de marbre les opérateurs de satellite. Car la puissance des satellites augmentant parallèlement aux projets de bouquet, les flottes européennes d'Eutelsat et d'Astra paraissent largement en mesure de répondre aux besoins actuels et futurs. Dix ans après le lancement de son premier satellite de télévision, la SES est donc prête pour un autre formidable pari stratégique : s'attaquer au marché multimédia par satellite. Pour Romain Bausch et son équipe, c'est presque un retour aux sources, puisqu'à l'heure actuelle le marché est pratiquement égal à zéro. Les satellites de télécommunications existants servent seulement de relais entre des stations terrestres dans le cadre des réseaux filaires. Mais ils n'ont pas vocation à capter une miette du nouvel appétit d'information qui se fait sentir et qui pourrait se chiffrer demain en dizaines de milliards de dollars. L'explosion des communications mobiles, comme celle des connexions à Internet, en donnent un aperçu. Mais il faut aussi imaginer l'avenir avec la télé-conférence, le télé-enseignement, la télé-médecine, la gestion des réseaux de données et, dans un genre plus ludique, la vidéo à la demande et les jeux interactifs. " Qui peut le plus peut le moins.

     

    " Les constellations de satellites à basse orbite les plus avancées à ce jour ne pourront pas cependant offrir à leurs clients toute cette panoplie. Iridium, le réseau de 66 satellites à basse orbite (780 kilomètres de la terre) de l'américain Motorola dont la commercialisation est prévue pour septembre prochain, est destiné aux communications mobiles et à la transmission de données à bas débit. Idem pour les 48 satellites de Globalstar, le système qui associe l'américain Loral et une brochette d'entreprises européennes, comme Alcatel, Alenia ou Dasa. " Qui peut le plus, peut le moins ", observe Romain Bausch, pour expliquer que la SES n'entend pas se positionner sur ce premier marché réservé aux applications à bande étroite. Sans avoir arrêté de scénario définitif, l'opérateur luxembourgeois semble en revanche bien décidé à s'intégrer à la deuxième génération de constellations, qui toutes visent des applications à large bande et dont certaines cumulent les qualités des satellites géostationnaires (capacités de transmission importantes) à celles des satellites à basse orbite (transmission en temps réel et terminaux plus légers).

    En juin dernier, Alcatel, à la tête du projet Skybridge (64 satellites en orbite basse), et Loral avec son autre projet baptisé Cyberstar (3 satellites géostationnaires) annonçaient que les deux systèmes seraient commercialisés en commun pour répondre aux besoins les plus fous des entreprises et des particuliers et surtout contrer le projet de Bill Gates, baptisé Teledesic (240 satellites à basse orbite). Pratiquement à la même date, Motorola révélait qu'il avait pris la décision de fondre dans une seule constellation baptisée Celestri ses deux projets, M Star (72 satellites à basse orbite) et Millenium (4 satellites géostationnaires à 36.000 kilomètres de la terre). Une introduction en Bourse avant l'été Autant d'annonces, autant de sujets de réflexion pour Astra. Car avec une nouvelle position orbitale sur l'Europe, un savoir-faire technique et des capacités d'investissement importantes, le luxembourgeois est tout à fait en mesure d'assumer la partie géostationnaire d'une constellation mondiale. De surcroît, l'opérateur qui va s'introduire en Bourse avant l'été se dit prêt à accueillir de nouveaux partenaires à son tour de table. Mais sur ses contacts, Romain Bausch préfère rester discret jusqu'à la fin de l'année. Une seule certitude : quels que soient son nom et ses partenaires, la constellation luxembourgeoise sera bien en l'air au tout début du siècle prochain. J.-J. B. et T. D. J.


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