LE QUOTIDIEN


L'Auvergne, ses fromages, ses volcans et son téléphone satellitaire
Globalstar y inaugure aujourd'hui son système, en première mondiale.

Par CATHERINE MAUSSION

Le jeudi 9 décembre 1999






L'abonné de Globalstar devra avoir souscrit une offre avec un opérateur de portables classique. L'appareil lui coûtera entre 7500 et 8000 francs. Et la minute de communication, un peu plus de 10 francs.

 


REUTERS

Lancement de 4 satellites Globalstar en juin à cap Canaveral.

Les monts d'Auvergne bientôt reliés au reste du monde. Ce matin, l'employé des Eaux et Forêts, le vétérinaire de montagne, les pompiers du Mont d'Or ou du Puy-en-Velay pourront arpenter les vertes pentes du massif, leur mobile à la main, sans crainte des trous dans la couverture. Globalstar ouvre aujourd'hui son service de communication par satellite auprès d'un premier groupe de 400 clients, avant la véritable ouverture commerciale annoncée pour janvier prochain.

L'opération ne cible pas l'Auvergne tout à fait par hasard. «Les gens là-bas sont impatients», explique-t-on chez Tesam, la société commune de France Télécom et d'Alcatel qui détient 3 % de l'americano-européen Globalstar (1). Les monts d'Auvergne ont cette particularité qu'aucun sommet ne domine vraiment les autres. Il faudrait quasiment percher une antenne sur chaque dos d'âne pour arroser correctement la zone. Ni SFR, ni Itinéris, et pas davantage Bouygues, n'ont réussi à déployer suffisamment de relais pour gommer les zones d'ombre. Les professionnels qui arpentent les Monts n'ont plus que la ressource du satellite.

Acte de foi. Le PDG de Tesam, Enrique Fernandez est catégorique: «Jamais, la couverture du territoire par les systèmes installés au sol ne sera complète à 100 %». Sur cet acte de foi repose toute la stratégie de Globalstar. Apporter à la clientèle captive du mobile, les 10 à 15 % de couverture manquante.

Pour ses débuts en France, Tesam, en charge de la commercialisation du service dans huit pays occidentaux, et au-delà dans 19 pays dans le monde, s'est associé fort logiquement à Itinéris, la filiale de téléphonie mobile de France Télécom. Toutefois, prévient Tesam, «il n'y aura pas d'exclusivité». SFR et Bouygues sont les bienvenus. Les abonnés à Globalstar devront donc avoir souscrit un abonnement classique auprès d'un opérateur, l'offre Globalstar venant en supplément.

Un satellite prend le relais. Sur le terrain, le principe de fonctionnement est limpide. Tant que le mobile peut accrocher une station au sol, il fonctionne comme à l'ordinaire, mais sitôt que le signal est coupé, l'antenne du mobile accroche en vue directe l'un des 48 satellites en orbite autour de la terre. Du coup, les tarifs deviennent presque supportables. «Un peu au-dessous de 10 francs la minute», soit tout de même presque dix fois le prix d'un appel avec un mobile classique. Mais, seules les minutes consommées seront facturées: il n'y aura pas en sus d'abonnement.

Second impératif, s'équiper du portable idoine. Deux mobiles sont aujourd'hui disponibles. Un Telit et un Ericsson. Tous deux sont un peu lourds (350 à 375 grammes) et plutôt chers (7 500 à 8 000 francs). De l'avis d'Enrique Fernandez, «pour un outil d'usage professionnel, ce n'est pas gênant. Un homme de chantier n'a que faire d'un téléphone miniature, et encore moins d'un miniclavier. C'est un truc à prendre trois touches d'un coup.» Très vite, pourtant, les mobiles et les prix vont s'alléger. Le seconde génération est annoncée pour le mois d'avril. C'est surtout du côté de l'antenne - gros cigare de vingt centimètres de long - que l'on attend des progrès.

Tesam est très optimiste sur l'avenir commercial de Globalstar. Ses deux concurrents directs accumulent les déboires. Iridium s'est déclaré cet été en faillite, tandis qu'ICO, en butte à des difficultés récurrentes, a reporté au second semestre de 2001 l'ouverture de son service. Ils auraient toutefois tous deux rencontré leur homme providentiel, en la personne de Craig McCaw, un américain, ami de Bill Gates, devenu en début de semaine, le premier actionnaire d'ICO. La force de Globalstar, explique sa directrice pour l'Europe, Nadia Mordelet, est de se présenter «non comme un substitut du mobile, mais comme un complément».

En Patagonie. Au-delà des hommes d'affaires internationaux, Globalstar cible, comme en Auvergne, mais sur la planète entière, une clientèle nationale qui a besoin d'une couverture parfaite. L'Argentine et le Venezuela ouvriront leur service tout de suite après la France et l'Europe. Puis fin mars, le Pérou emboîtera le pas, suivie de la Colombie et de la Turquie. Les Argentins, par exemple, grands adeptes du téléphone mobile, devraient apprécier ce détour par les satellites: «Jamais, la Terre de feu, ni des pans entiers du territoire, ne seront accessibles par les antennes classiques».

Ponctuellement aussi, le satellite peut être irremplaçable. L'opérateur entend le démontrer à l'occasion du millenium. Il propose une offre spéciale bug, avec location de l'appareil, à tous ceux qui redoutent que leur système de communication ne tombe en rideau. Bull, EDF, Matra l'ont déjà adopté comme roue de secours. D'après la rumeur, France Télécom serait sur cette offre le plus gros des clients. Comme le vétérinaire de brousse, le premier opérateur de France veut rester branché.

 

(1) Globalstar est un consortium de sociétés internationales, comprenant notamment les Américains Loral et Qualcomm


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