![]() | n°766 - 15 mai 1998 |
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TRANSMISSION DE DONNÉES PAR SATELLITE DVB: du grand public aux entreprises Les services de transmission de données, tel que l'accès à Internet, migrent de solutions propriétaires traditionnelles, comme le VSAT, vers des solutions basées sur la norme DVB. Canal+, Polycom et Astra se sont déjà lancés. Raison principale de ce choix: de substantielles réductions de coûts. | |||
Raison essentielle de ce succès: une diminution des coûts au niveau du satellite, de la station d'émission et des équipements de réception -en général, une parabole et une carte pour PC. «Cela revient à moins de 6 000 francs par site, dont 3 500 pour le décodeur, ce qui est imbattable par rapport aux solutions de type VSAT, au moins trois fois plus chères», estime Eric Corrius, directeur du développement de CanalPro. L'addition est encore un peu plus légère chez Polycom: «Le coût par site peut être estimé aujourd'hui à moins de 5 000 francs, dont 4 000 pour la carte et 800 pour la parabole, calcule Antoine Trannoy, chef du service ingénierie et développement de Polycom. Ceci est à comparer aux coûts de réception du VSAT (12 000 à 15 000 francs).» En particulier, le prix de la carte pour PC baisse rapidement: 1 000 dollars en 1996 à moins de 250 en sortie d'usine aujourd'hui. Eutelsat a lancé en 1997 un appel d'offres, auquel onze sociétés ont répondu (*). Le consortium européen a retenu l'Américain Adaptec pour «quelques milliers de cartes», ainsi que Divicom pour les équipements d'émission. «Adaptec offrait un coût intéressant (moins de 300 dollars), supportait le plus haut débit et était presque totalement conforme aux spécifications», explique Amaury Simon. Cela n'empêche pas Eutelsat de travailler avec d'autres fournisseurs de cartes, tels que Comatlas, Philips, Xcom et un fabricant coréen. CanalPro, filiale de Canal+, a fait un choix différent pour l'équipement de réception. Il réutilise le décodeur du bouquet numérique CanalSatellite, baptisé Mediasat, raccordé au PC via un port parallèle. Ce décodeur comprend notamment le système de contrôle d'accès Mediaguard de Canal+. Toutefois, parmi les multiples fournisseurs du bouquet, CanalPro a choisi un seul constructeur, Philips. «Un million et demi d'exemplaires de ce décodeur sont utilisés en Europe, ce qui permet de diminuer les coûts et d'atteindre un prix de vente de 3 500 francs, contrôle d'accès inclus, contre 2 000 francs pour une carte sans contrôle d'accès, justifie Emmanuel Guillaume, responsable du marketing. De plus, les terminaux sont plus simples à installer (deux branchements), puis à maintenir, que les cartes, qui nécessitent une modification du PC.» Toutefois, cette solution a un débit limité à celui du port parallèle (1 Mbit/s), et ses concurrents soulignent «son manque d'évolutivité». Mais CanalPro va aussi proposer des cartes PCI d'ici à l'automne pour ses services d'intranet par satellite. Sur une seule carte seront combinés la réception DVB et le contrôle d'accès, avec un lecteur de carte à puce intégré. Faut-il pour autant enterrer le VSAT face au DVB? «Non, répond Daniel Nabet. Le SCPC reste le plus adapté à certaines applications. Aujourd'hui, je ne sais pas quelle technologie va l'emporter. Je vois un équilibrage 50/50 entre les deux. Chacune a ses avantages, et donc Polycom propose les deux.» Et le directeur général de Polycom se félicite que, malgré la baisse des coûts, le marché n'ait pas diminué en valeur. «Cette baisse a eu deux conséquences: d'une part, elle a rendu le satellite accessible à de nouveaux clients, d'autre part, les clients existants ont accru leur utilisation, plutôt que de chercher à diminuer leur facture.» | |||
(*) les Américains Adaptec, Media 4, le Néerlandais Philips, les Français Sat-Sagem, Comatlas, Dassault AT, MDS et Xcom, le Britannique Pace, l'Israélien NMC et le Canadien Comstream. | JAMAL HENNI | ||
Autant d'acteurs, autant de stratégies commerciales | |
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Différents types d'acteurs proposent des solutions de transmission de données en DVB: opérateur de télécoms par satellites (Polycom), consortiums satellitaires (Astra), bouquets numériques (Canal+)... • Polycom a été «le premier au monde» à lancer un service DVB en août 1997. Créé en 1986, cette filiale de l'AFP (46,3%), de France Télécom (via FCR, 46,3%) et de la SBF (Bourse de Paris, 7,4%) était à l'origine un opérateur VSAT. Aujourd'hui, il revendique en DVB «près d'un millier de sites de réception en Europe», avec pour clients la Bourse de Paris (qui migre du VSAT vers le DVB), un téléimprimeur de journaux et un acteur de la grande distribution. Un test est aussi en cours, avec un diffuseur d'informations (textes et photos) vers des journaux. Basés sur la plate-forme d'Eutelsat, deux services sont proposés: diffusion de paquets UDP/IP ou IP Multicast en temps réel (24 heures sur 24) et diffusion de fichiers binaires déposés via FTP en temps réel ou différé (store and forward). Les débits vont de 64 Kbits/s à plusieurs Mbits/s. Le service utilise le satellite Hot Bird 3 d'Eutelsat et les cartes Telsat Turbo de Sat/Sagem. La transmission peut être sécurisée par l'envoi d'accusés de réception par voie terrestre. • CanalPro a été créé par Canal+ en février 1997 pour commercialiser auprès des entreprises des applications numériques. Première société à tester ses services: GL Consultants, filiale de la SBF, éditeur de logiciels d'informations boursières. A l'issue de ce test, un contrat de trois ans a été signé en février dernier. CanalPro diffuse en continu à 256 Kbits/s les données boursières de GL vers 200 clients (sociétés de Bourse, banques...). «GL était auparavant client de Polycom», dont un des actionnaires est pourtant la SBF, souligne Eric Corrius, directeur du développement. Autre client: Canal Music, qui, pour envoyer des animations musicales vers des commerces, les télécharge la nuit à 150 Kbits/s, au lieu de graver et d'expédier des CD. CanalPro effectue aussi pour un grand groupe français un test d'intranet par satellite et, côté vidéo, diffuse des chaînes de TV «professionnelles» pour deux autres clients (Medecine Plus et le PMU). Avec ces quatre clients, la société revendique 1 000 sites installés (5 000 en juin et 20 000 en décembre), en général couverts via Astra (qui diffuse CanalSatellite Numérique). Elle a réalisé en 1997 un chiffre d'affaires «un peu inférieur» à celui qui était prévu (12 à 15 millions de francs), mais compte en 1998 le porter entre 70 et 80 millions, tout en atteignant l'équilibre. • Astra, pour commercialiser ses services de transmission de données, a créé une filiale, European Satellite Multimedia Services (ESM), avec Intel, Deutsche Telekom et l'Américain Hughes Network Systems (qui fournit les cartes). Les services, vendus sous la marque Astra-Net, sont distribués en France via Axedia. Utilisant Astra 1G, ils sont au nombre de trois: transfert de fichiers en temps différé, streaming en continu (tous deux en UDP/IP Multicast) et accès à Internet (jusqu'à 400 Kbits/s). Le débit va jusqu'à 6 Mbits/s vers un PC et 38 Mbits/s vers un serveur, annonce Astra-Net. L'accès conditionnel utilise un cryptage DES à 56 bits avec une clé triple. Les tarifs dépendent du nombre de sites et de Mo transmis (en moyenne 0,50 F/Mo). • Eutelsat, contrairement à Astra, ne s'est pas lancé dans la commercialisation de services. Mais le consortium européen a développé une plate-forme de transmission de données en DVB, opérationnelle depuis fin 1996. Parmi les clients: le Français Polycom, l'Italien Com.Net (filiale de Telecom Italia), le Hongrois Antenna Hungaria et l'Anglais BT. Auxquels s'ajoutent des clients pilotes aux Pays-Bas, en Allemagne, en Belgique, au Maroc et au Liban. Un test d'accès à Internet par satellite a été mené avec AB Sat en 1997. Le consortium européen discute avec TPS, France Télécom et des fournisseurs de contenu (INA, Cité des sciences, La Cinquième...). D'ici à cinq ans, il prévoit de réaliser un chiffre d'affaires dans la transmission de données de 50 à 100 millions de dollars, et de remplir un satellite entier (soit une vingtaine de répéteurs). Selon une étude commandée à l'Idate, les usages professionnels utiliseront 1 000 répéteurs en 2005. • TF1 utilise le DVB pour diffuser sur Eutelsat des programmes de vidéo à la demande (films, actualités...) à destination de six hôtels. D'ici à la fin de l'année, 4 000 chambres supplémentaires seront équipées (2 200 aujourd'hui). Alex Informatique fournit les serveurs vidéo, installés et commercialisés par Viséa. Toujours en utilisant le satellite, TF1 avait présenté avec Microsoft, au dernier Interop, un service d'actualités à la demande utilisant le Netshow Theater Server (tournant sous NT 4.0) et accessible sur PC (via Explorer 4.0). Mais TF1 n'envisage pas de se diversifier sur le modèle de Canal+: «Ce n'est pas nôtre rôle, indique Christian Grellier, directeur technique adjoint. Notre cœur de métier est l'édition de contenu.» • TPS, comme TF1, ne veut pas suivre l'exemple de Canal+ en créant un «TPS Pro». «Nous ne projetons pas actuellement de nous diversifier dans des applications professionnelles, indique Gilles Maugars, directeur général adjoint. Nous affronterions la concurrence des géants des télécoms, à commencer par notre actionnaire France Télécom. De plus, c'est un marché assez limité -Canal+ n'espère réaliser ainsi que quelques pour-cent de CA supplémentaires... Enfin, les applications professionnelles peuvent tout à fait se satisfaire de positions satellitaires moins chères qu'Astra (qui diffuse TPS). Toutefois, la diffusion de données en DVB nous intéresse si c'est pour renforcer notre activité principale, qui est la diffusion de chaînes de TV à destination du grand public. La vidéo à la demande de TF1, la Banque de Programmes (BPS) de la Cinquième ou le projet Didasat (accès à Internet par satellite pour les écoles) rentrent donc dans ce cadre, ainsi que plusieurs clients intéressés à la fois par une couverture Eutelsat et un accès grand public.» | |
JAMAL HENNI | |
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