Trois alliances s'affrontent pour lancer les constellations de
satellites
Ariane et ses fusées partant de Kourou ne sont plus les seules pour
lancer des satellites. Les fusées russes, américaines, ukrainiennes, voire
chinoises, sont désormais dans la course. Mais l'alliance franco-russe de
Starsem, créée par Aerospatiale Arianespace avec RKA et le célèbre centre
Soyouz de Samara, reste la plus fiable.
CLAIRE DORANGE
Le lanceur devient stratégique dès la conception d'une constellation de
satellites », explique Guy Laslandes, délégué au transport spatial au CNES
(Centre national d'études spatiales). La raison ? Le montant consacré aux
lancements va augmenter. Pour la constellation Globalstar et Iridium, les
lancements représentent environ 25 % du coût total de chaque programme. Et
encore, il s'agit de petits satellites, d'une masse comprise entre 450 et
700 kg, envoyés à moins de 1.500 kilomètres d'altitude une orbite
appelée LEO (Low Earth Orbite, ou orbite basse) par les
spécialistes.
Avec les projets de constellations de satellites pour
« l'Internet dans le ciel », « la masse de chaque satellite sera
multipliée par 3, et le nombre de satellites à envoyer va doubler »,
résume Patrick Rudloff, directeur du développement commercial
d'Arianespace. Teledesic, financé notamment par Craig McCaw et Bill Gates,
table sur 288 satellites pesant environ 2 tonnes pièce. Et la
constellation SkyBridge, élaborée par Alcatel, prévoit de mettre en orbite
80 satellites d'une masse unitaire de 1,2 tonne.
La bataille va
donc s'accentuer entre les sociétés qui proposent des services de
lancement.
Autour de Boeing
Deux types de fusées sont requis. Les premières servent au test des
constellations et à la maintenance, avec l'envoi dans l'espace de 1 ou 2
satellites à la fois. Les secondes, plus puissantes, servent au
déploiement, en plus grand nombre, de grappes de satellites. Mais certains
lanceurs « exotiques », comme la fusée chinoise Longue Marche 2C, d'un
prix très faible, pourraient aussi être retenus. Elle a été utilisée à 5
reprises, avec des résultats médiocres, pour Iridium. Mais ce lanceur n'a
plus la cote auprès des opérateurs américains, à cause de restrictions
pour les exportations des produits de haute technologie des Etats-Unis
vers la Chine.
En fait, 3 principales alliances s'opposent pour le
lancement des satellites. L'américain Boeing est allié à la société
ukrainienne, Youjnoy-Youjmach, et au russe RSC Energia. Le géant de
l'aéronautique a sous la main 4 lanceurs : les fusées américaines Delta 2
et Delta 3, lancées de cap Canaveral, le lanceur russo-ukrainien Zenit 2,
qui part de Baïkonour, et Zenit 3, tiré à partir de la plate-forme en mer
dans le Pacifique, Odyssée. Mais une fusée Zenit 2, en septembre 1998, a
explosé. D'un seul coup, ce gros lanceur a perdu les 12 satellites de
Globalstar.
De plus, Delta 2 n'a pas réussi toutes ses missions
pour Iridium. Et la nouvelle fusée Delta 3 a échoué, en mai, pour la mise
en orbite d'un gros satellite géostationnaire.
Il reste que le
premier vol commercial de Sea-launch, le 9 octobre, a redonné des espoirs
à Boeing. Le patron de Hughes Space & Communications, après le
lancement du satellite de télédiffusion DirecTv, a indiqué qu'il comptait
utiliser ce lanceur pour 13 autres missions.
La constellation de
téléphonie ICO, clouée au sol après les déboires d'Iridium, a également
prévu d'utiliser Sea-launch. La fusée lancée du pas de tir Odyssée, placé
sur l'équateur, profite à plein de l'effet de rotation de la terre, ce qui
augmente sa « charge utile ». L'inconvénient du système ? L'éloignement.
Si un problème survient sur un satellite, peu avant le lancement, il faut
près de six semaines pour le rapatrier à terre et le
réparer...
Le groupe de Lockheed
La deuxième coopération est celle formée par l'américain Lockheed
Martin (qui a acheté, en 1994, les fusées de la famille Atlas de General
Dynamics) et le russe Krounitchev, avec son lanceur lourd Proton. Mais la
fusée russe a connu des ratés. Et Atlas a l'un des plus faibles taux de
fiabilité des lanceurs commerciaux (85 %), juste après celui de Zenit (77
%). Il n'empêche, les constellations Teledesic et ICO ont réservé des
lancements sur la fusée russe.
Enfin, la plus sérieuse alliance est
celle formée par Arianespace, avec Ariane 4 et 5, associé à l'Agence
spatiale russe RKA et à TSKb Progress le centre de Samara ,
producteur des fusées Soyouz, très sûres. Ariane 4 n'était pas adaptée
pour lancer de petits satellites en orbite basse pour Globalstar et
Iridium. Ainsi, Aerospatiale Arianespace et ses partenaires du Soyouz ont
créé la société Starsem.
Cette société a raflé la mise, après
l'explosion de la fusée Zenit 2 en septembre. Starsem a été retenu pour
lancer 28 satellites de Global- star, par grappes de 4 unités, soit la
moitié de la constellation. Surtout, Ariane 5, dans sa version la plus
évoluée, pourra mettre en orbite jusqu'à 12 satellites.
Mais à
partir de 2002, il faudra aussi compter sur la fusée Delta 4 de Boeing et
le prochain lanceur de Lockheed Martin. En octobre 1998, l'US Air Force a
commandé 19 lanceurs à Boeing pour 1,38 milliard de dollars et 9 fusées à
Lockheed Martin pour 1,15 milliard de dollars. Les Etats-Unis veulent
revenir dans la course, après s'être focalisés sur le « tout-navette
».