Marc Giget (*) : «L'espace pourrait prendre 1 % du marché mondial
du téléphone mobile»
Après l'échec d'Iridium, l'avenir des constellations de satellites se
joue avec le succès, éventuel, de Globalstar. Mais il faudra attendre «
le milieu de l'an 2000 pour être fixé et pour redonner confiance aux
banquiers », estime Marc Giget, professeur en économie de l'innovation
au Conservatoire national des arts et métiers.
PROPOS RECUEILLIS PAR CLAIRE DORANGE
Marc Giget a une vision claire sur les constellations de satellites de
télécommunications. C'est normal. En 1983, il a fondé Euroconsult, réputé
comme la première société d'études et de conseil au monde sur l'économie
des satellites. Pour cet expert, les constellations prendront, au mieux, 1
% du marché mondial des communications avec les mobiles et, après, 1 % du
transport de l'Internet. Ce sera déjà beaucoup...
Pour Marc Giget,
la mort prématurée du système de Motorola s'explique simplement. Tout
d'abord, « ce n'est pas la division du téléphone mobile du groupe
américain » qui a lancé le projet, mais les responsables de la division
espace. Aussi, une « surconfiance » a été placée dans Iridium, car «
Motorola est l'inventeur du téléphone mobile ». De plus, la distribution
locale « a été confiée à des sociétés qui n'avaient pas de compétences
particulières. D'où des erreurs dans l'appréciation du marché ».
De
plus, « Iridium est un vieux système, conçu il y a plus de dix ans, il est
techniquement dépassé ».
Les fautes d'Iridium
Par exemple, il n'est pas possible de reconnaître la voix de son
correspondant qui appelle à partir d'un combiné d'Iridium. « Il parle du
nez, avec une voix de Donald. On a l'impression qu'il s'agit d'une blague
que l'on vous fait au téléphone ! » « Pourtant, les promoteurs d'Iridium
n'ont pas modifié leur projet. Les responsables de Motorola pensaient
qu'il y aurait un avantage au premier entrant sur le marché du téléphone
mobile par satellite. Il y avait le mythe de la réussite pour le premier
arrivé. »
En fait, c'est l'organisation intergouvernementale
Inmarsat, fondée en 1979, qui a été la première à proposer des services de
téléphone mobile par satellite. Résultat, « actuellement, par rapport aux
400 millions d'abonnés au téléphone cellulaire dans le monde, il y a
quelque 100.000 abonnés au téléphone mobile par satellite, surtout pour
Inmarsat. Iridium a été jugé en huit mois, avec ses 20.000 abonnés
».
Les chances de Globalstar
Le projet de Motorola a démarré trop doucement. « Un fait classique
dans ce genre de projet d'innovation : les recettes arrivent plus
lentement que prévu, et les dépenses sont plus importantes qu'annoncé. »
Et « les montants levés, de l'ordre de 5 milliards de dollars, ont
contraint la société à se fixer un calendrier de remboursement trop serré,
avec 2 milliards de dollars dès la première année d'exploitation
».
La constellation Globalstar ne s'est pas fourvoyée dans les
mêmes erreurs, puisque « les remboursements, en 2000, sont de l'ordre de
200 millions de dollars ». Surtout, Marc Giget estime que le prochain
système va bien démarrer sa vie commerciale.
« Le système a été
conçu après Iridium. Ensuite, il ne fonctionne pas sur un mode de
transfert des communications de satellite à satellite, il ne s'affranchit
donc pas des opérateurs classiques de télécommunications, contrairement à
Iridium. Les partenaires du projet sont de vrais professionnels, qui ont
de réels besoins. Je pense qu'ils ont des contrats dans les tuyaux.
Iridium, de son côté, n'a signé qu'un seul grand contrat, avec l'armée
américaine. »
De plus, « Alcatel, maître d'oeuvre des satellites,
est un spécialiste de la communication professionnelle. Et Globalstar a
des partenaires locaux, spécialistes des télecommunications, qui ont
sûrement démarché les institutionnels et les grandes entreprises ». Une
approche peut-être plus astucieuse : « Son principe est de boucher les
trous, là où le téléphone cellulaire ne passe pas. »
Le satellite n'est pas la panacée
La réussite de Globalstar est fondamentale pour la suite. « Sinon, il
faudra faire une croix sur les autres projets du type Teledesic »,
souligne Marc Giget. Après l'appréciation de Globalstar, les 12 satellites
de la constellation ICO, qui étaient restés cloués au sol, pourront
peut-être être lancés.
En attendant, le satellite n'est pas la
panacée. « On va passer le milliard d'abonnés au téléphone cellulaire vers
2005. S'il y a alors 10 millions d'abonnés au téléphone par satellite, ce
sera bien... »